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Avril 2021
Que sont les droits humains devenus ?
Auteur : François Iselin

L'esclavage est de retour!

La privation de nos libertés a été rendue acceptable en échange de compensations matérielles factices. En obtenant enfin un emploi, quelles qu'en soient sa rétribution et sa pénibilité, les gens se croient plus libres pouvant se loger, manger à leur faim en échange de leurs peines. C'est le prix de leur liberté que paient des dizaines de millions d'êtres humains dans le monde devenus esclaves. Mais cette «liberté» n'est qu'un pis-aller étant le plus souvent précaire, passagère et dégradante.

Cette parodie de liberté n'a rien de commun avec l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et de protection contre le chômage».1

Les manoeuvres, éboueurs, nettoyeuses, auxiliaires, précaires, prostituées, que les populations des pays enrichis exploitent à leur profit, ne sont pas libres. Et quand ces esclaves leur font défaut, ils en soumettent d'autres dans les pays où les droits humains sont bafoués. Plus encore, les retraités, les pédophiles et autres frustrés quittent leurs pays pour aller se faire servir ailleurs. C'est là même que les maquignons du capital font leur marché aux esclaves, refoulant les uns (menacés de noyade ou de famine) et en ramenant d'autres. C'est ce qu'ils appellent, non pas ségrégation, mais «politique migratoire».

Cette frange de l'humanité qui est mise à l'écart, est hypocritement tolérée, car sans elle les populations des pays prospères seraient privées de soins et de confort. Il en résulte un déplacement forcé des forces vives des pays appauvris qui explique l'état d'abandon dans lequel les nations esclavagistes les maintiennent. Les familles de ces nations perdent ainsi leur pères ou leurs mères dont le peu d'argent qu'ils envoient au pays, ne peut compenser leur absence. Ce nouveau trafic d'esclaves détruit leur économie, leurs cultures, leurs savoir-faire, les condamnant à une misère chronique sans issue.

Le scandale du travail contraint

Alors que la «civilisation» blanche prétend avoir aboli l'esclavage, en Suisse qu'en 1964, cette pratique inique n'a jamais été autant d'actualité : «25 millions d'esclaves dans le monde travaillent pour notre bien-être consumériste2». Ces êtres humains ont été contraints de s'exiler et se soumettre au bon vouloir de leurs exploiteurs pour survivre. Mais survivre dans quelles conditions? La durée de leur engagement est incertaine, ils ne reçoivent que des miettes pour leur peine et ne choisissent pas les tâches qui leur sont imposées. Ces bonnes, domestiques, aides à domicile, petites mains préféreraient étudier pour exercer des emplois qui leur conviennent et les prostituées, avoir des relations humaines qui préservent leur intégrité. Les manoeuvres du bâtiment qui triment sur les chantiers du capital voudraient recevoir une formation professionnelle qui les épanouisse, les plongeurs des grands hôtels, devenir cuisiniers ou maîtres d'hôtel. Rien de tout cela, le capitalisme qui expatrie ces travailleurs forcés, les offre à ses populations qui les exploitent sans honte, ni remords.

L'OIT (Organisation internationale du travail) définit le travail forcé comme «Tout travail imposé à une personne sous la menace et que la personne qui l'exerce n'a pas accepté volontairement.». Elle distingue trois sortes d'esclavagistes: le secteur privé qui compte le plus d'esclaves dans le monde (16 millions en 2016), les États (4.1 millions) et l'exploitation sexuelle (3.8 millions d'adultes, en majorité 99% des femmes et 1 million d'enfants, filles et garçons)2.

Esclaves des «réseaux sociaux»

Notre liberté est tout autant bafouée par le marché capitaliste. Pour s'enrichir, il nous impose de consommer toujours davantage ce qu'il a choisi de nous vendre, et cela, pendant tous les instants de notre vie. Les GAFA (la quinzaine d'acteurs d'internet qui contrôlent ce juteux marché mondialisé) exploitent ainsi plusieurs milliards de personnes, et capitalisent des milliards de dollars, fortunes qui ne cessent de s'accroître en rendant dépendants les esclaves du Net à plein temps, et qui n'ont pas le moindre droit de regard sur la «marchandise numérique» qui leur est vendue.

En Suisse les ménages dépensent annuellement plus d'un milliard de francs pour internet. Cette pseudo-liberté que nous vendent les «réseaux sociaux» nous prive du droit de ne pas être constamment harcelés par des appels, que ce soit sur nos lieux de travail ou dans notre vie privée. Certes, pouvoir communiquer avec des inconnus à travers le monde pourrait nous donner l'impression d'être plus libres, mais ne perd-on pas alors notre liberté de disposer du peu de temps de rencontrer nos proches en face-à-face. «Bon nombre de nos loisirs sont plus solitaires que sociaux […]. Le Nord-Américain consulte son téléphone portable toutes les quatre minutes, passe six heures à regarder l'écran de son téléphone ou d'un ordinateur».3 Les écrans de télévision, les IPods, les consoles de jeux l’isolent et l’abêtissent. Comment pourrait-il réfléchir et agir sereinement et librement aux destinées de son pays? «Le gros problème, c'est que la fausse image (virtuelle) du bonheur dépasse la vérité et que le mal qu'elle nous fait est une chose dont nous ne sommes pas conscients»4. En avril 2010, 105 millions de comptes Twitter ont été créés et les sites d'extrême droite, pornographiques ou conspirationnistes explosent.

Alors, comment abolir ce nouvel esclavage dont notre opportunisme nous rend complices? Décidons de vivre sobrement, en ne comptant que sur nos propres forces et nos propres ressources. Arrachons-nous à l'exploitation des êtres humains, au consumérisme qui détruit la nature! Ainsi, nous retrouverons notre liberté et nous libérerons alors les 25 millions d'esclaves bâillonnés et déracinés de nos communautés!


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