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Faisant suite à ma petite contribution 2019 sur le «consentement aveugle», je m’autorise à rappeler les principales méthodes couramment pratiquées dans l’art de manipuler les masses, aussi bien un individu qu’un groupe, quel qu’il soit. On se doit de faire une distinction entre l’influence qui se veut motivation transparente et la manipulation qui induit la notion de tromperie, sans se rendre compte qu’il y a eu effraction. Avec ses annexes appelés «fabrique de l’ignorance», «construction du doute», elle consiste à priver le manipulé de sa liberté sans qu'il ne s'en rende compte, et qu'il continue de se croire libre. Cette notion était appelée ruse ou rhétorique dans l’Antiquité, et que Platon conseillait (dans «La République»), par la suite manigance, imposture, manœuvre. Fabrice d'Almeida le résume très clairement: «la démocratie libérale du XIXe siècle fut la synthèse bien comprise de l'honnêteté de droit et de la tartufferie de fait». Les techniques de conditionnements psychiques, de lavage de cerveau recourent aussi bien à la contrainte physique, la domination économique et/ou le rapport d'autorité.
Parmi les méthodes régulièrement appliquées, mais toujours masquées, on y trouve la distraction (déplacement de notre attention vers des nouvelles moins importantes pour la détourner de problèmes vitaux), annonce d’un problème avec sa solution déjà décidée (ex: laisser se dégrader un service public pour imposer une privatisation), élimination de droits fondamentaux par petites touches pour éviter les protestations, garantie qu’une réforme sera positive à court temps pour favoriser le changement, même si à long terme et des changements entrés dans les mœurs, les inconvénients primeront.
Pour compléter et faire bon poids: infantiliser le public, renforcer le sentiment de culpabilité, abuser des émotions, chercher le consentement à tout prix, développer une connaissance fine de la psychologie humaine et animale renforcent bien le contrôle du résultat.
Même en cherchant bien, aucun sujet n’échappe au rouleau compresseur: on peut observer en tout temps les discours politiques et financiers, les statistiques, les lobbys, les sondages, les messages publicitaires avec les contenus subliminaux qui suintent d’entre les images. Entre les enfants sans minimum éducatif, les rares messieurs qui font à manger ou une lessive comme caution de la cause des femmes, les labels bio qui se multiplient à l’infini sans réel impact positif, j’accorde volontiers le pompon à la viande végane, soi-disant rougie à la betterave rouge pour mieux cacher le reste. Quand on apprend que les parfumeurs étudient avec minutie le parfum du lard grillé, la récupération des nouvelles tendances est bien en marche, et on peut se rassurer de la bonne tenue des actions des entreprises chimiques…
Alors que faire, au nom de l’honnêteté morale et intellectuelle? Sachant que notre société favorise toutes ces malignités manipulatoires à très hautes doses, on se devrait, en tant que citoyen qui tente de rester un peu éclairé, d’en prendre conscience, avant de s’informer, sur tous les thèmes, aussi bien terre-à-terre et quotidiens, qu’internationaux ou académiques: rechercher les sources, choisir ceux en qui on peut accorder une certaine confiance, sans tomber dans le relativisme impénitent. Les réseaux sont facilement dangereux, mais si on a beaucoup de temps devant soi, rien n’interdit de penser que des informations correctes puissent en émaner: le piège à éviter est de ne faire sa sélection que sur ses seuls a priori personnels, et apprendre à accepter d’être bousculé par des infos qui chiffonnent nos convictions. Corriger ses avis personnels, travailler sur les nuances, entrer dans les détails souvent difficiles à dénicher, est un complément aux travaux que devrait faire tout journaliste digne de ce nom, s’il travaille dans une entreprise qui l’y autorise: autre sérieuse difficulté qui taraude le monde. Même le bon sens, fort utile au demeurant, n’est pas toujours l’unique repère adéquat, la nature humaine étant terriblement tarabiscotée. Avec un peu de recul, juste suffisant pour sortir d’une zone d’influence trop manichéenne, sans se réfugier dans une grotte, cet exercice quotidien prend déjà passablement d’énergie mais active avantageusement les neurones.