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Cela n’a pas assez été dit. Le pays de Vaud, l’un des plus beaux du monde, bordé au nord par les trois lacs, à l’est par les Alpes, au sud par le Léman, à l’ouest par le Jura, dispose en son centre, tenant l’équilibre entre les bassins du Rhône et du Rhin, d’une colonne vertébrale: le Mormont. Une colline magnifique, sauvage, naturelle, remplie de fleurs au premier printemps. Elle n’a pas la signification du Cervin pour la Suisse, mais elle représente tout de même un élément important qui ne peut disparaître. Elle marque le canton un peu comme la Vue-des-Alpes est une centralité pour Neuchâtel ou le Rhône pour Genève.
Que la folie du béton nous conduise à faire disparaître une telle «montagne» sans grandes réactions de la part des paisibles Vaudois, voilà qui en dit long sur notre indifférence à cette civilisation qui se détruit en croyant se construire, se développer, s’embellir, devant et voulant résoudre le problème de l’explosion démographique.
Je suis allé encourager les zadistes. Ils m’ont très bien reçu et j’ai eu, grâce à eux, le plaisir d’entrer dans cette très jolie maison que j’admirais lors de toutes mes visites sur le plateau de la Birette. L’immensité de la carrière m’a beaucoup impressionné et surtout la rapidité avec laquelle cette montagne était mangée. Cela correspond à un volume de 45 wagons CFF par jour. Certainement qu’il est possible de trouver une autre montagne de calcaire à quelques kilomètres, plus grande, moins dommage.
La presse a insisté sur un point: si la police a été aussi efficace, que lors de son intervention nous n’avons pas eu à déplorer de la brutalité, ni d’un côté, ni de l’autre – probablement parce que des responsabilités ont été intelligemment assumées par une Béatrice Métraux et un Jacques Dubochet – les zadistes ont tout de même gagné en ce sens qu’ils nous ont mis en face de notre fringale de béton. La nécessité d’utiliser d’autres matériaux de construction devient évidente. Ayant construit deux coopératives d’habitation dont une de 70 appartements avec un tiers de béton et deux tiers de bois, je sais, dans ma chair, que cette façon de faire est combattue de la façon la plus déterminée par tous les bétonneurs du monde et par les nôtres en particulier.
Holcim dégage un bénéfice de 2,070 milliards en 2017. Comment la famille Schmidheiny pourrait-elle imaginer de diminuer ses bénéfices? La demande est là. Elle se fait un devoir d’y répondre. Qui arrivera donc à infléchir la tendance? Le bois revient à la mode, mais trop lentement. En Suisse la nature nous en offre chaque année près de 5 millions de m3. Le professeur Julius Naterer avait trouvé LA solution, mais il n’a pas vraiment été suivi ni remplacé. Le bois ne manque donc pas dans notre pays. Voilà la voie qu’il convient de développer.
Pierre Aguet, Vevey,
ancien conseiller national