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Novembre 1796. Après de nombreuses difficultés, Bonaparte finit par remporter une victoire qui fut longue à se dessiner. Les revers et les reculs furent au moins aussi nombreux que les percées victorieuses et les hauts faits glorieux.
À vrai dire, si l’on se donne la peine de lire les chroniques de cette bataille, on s’aperçoit qu’il s’en est fallu de peu pour que Bonaparte lui-même n’en revint pas. Mais l’imagerie et la propagande nous ont transmis l’image héroïque de Bonaparte brandissant le drapeau et traversant le pont courageusement au devant de l’ennemi. La réalité est un peu différente et s’il est vrai que plusieurs généraux (dont Bonaparte) tentèrent personnellement cet acte de bravoure, la fameuse peinture de Bonaparte sur son cheval cabré faussement citée comme «Bonaparte au Pont d’Arcole» montre un autre épisode, d’ailleurs lui aussi traité de manière surréaliste, à savoir le Franchissement des Alpes au Grand St-Bernard. Quant au tableau Bonaparte au pont d’Arcole, Antoine Jean Gros se garde bien de toute exagération et ne montre qu’un général en gros plan. Le tableau d’Horace Vernet la Bataille du Pont d’Arcole donne à voir aussi un général brandissant un drapeau s’engageant sur le pont, mais l’œuvre a été peinte 50 ans après la bataille. Paradoxe intéressant, c’est à un autre général de l’armée napoléonienne que l’on doit le plus d’authenticité concernant cette fameuse Bataille d’Arcole. Louis Albert Guislain Bacler d’Albe est non seulement peintre, mais il est aussi un général, un stratège et un brillant cartographe. Et c’est lui qui signera la représentation de la Bataille la plus conforme à la réalité historique.
Trucage d’images
Ce n’est certainement pas parce que les images le disent que ça s’est passé de la façon qui y est décrite. Le trucage d’images n’est pas nouveau, mais il prend en ce début de 21e siècle une part prépondérante dans la formation de l’opinion.
Sous Staline, le régime soviétique est passé maître dans le maquillage de photos au point d’en remplacer, voire en éliminer un ou plusieurs personnages. Tout comme les services du Docteur Goebbels, qui lui même a menti toute sa vie en prétendant que son infirmité était due à une blessure de guerre alors qu’il a été réformé a cause d’une ostéomyélite contractée à l’âge de… 4 ans. Ça ne l’a pas empêché de devenir un grand expert de la propagande mensongère. Par exemple, il est l’organisateur de la nuit de Cristal de novembre 1938, présentée comme une réaction spontanée du peuple en représailles à l’assassinat d’un troisième secrétaire d’ambassade à Paris par un jeune juif polonais d’origine allemande.
Je ne prétends pas ici dresser l’historique du mensonge et de la manipulation, l’Histoire en est toute entière truffée. À tel point qu’il faut une farouche volonté pour essayer d’en débarrasser le récit. Et ce n’est pas facile. Ça l’est d’autant moins que le récit historique des nations a un besoin viscéral de mythes et légendes pour asseoir son authenticité, son historicité et sa légitimité.
Un faux premier août
Prenons par exemple notre propre pays. Sans évoquer Guillaume Tell, – dont on sait aujourd’hui que ce n’est qu’une pure légende importée de Scandinavie –, parlons un peu du Pacte de 1291. Commençons par la date supposée de son écriture. L’original en latin dit «initio augusto» ce qui veut dire début août et non le premier août. C’est le Conseil fédéral qui décidera au 19e siècle que ce texte était daté du premier août. À l’instar de la Bible, ce pacte n’est ni localisé, ni même signé. Ensuite et relativement à sa rédaction, les historiens ont constaté d’étranges anomalies. Selon la datation au carbone 14, ce texte serait postérieur à 1291 d’une vingtaine d’années. Il est parfois incohérent, tantôt parlant d’«ils» tantôt d’un «nous» majestueux et on traduit en «Confédérés» le mot latin «conspirati», ce qui est assez étrange.
Il est possible que ce Pacte ait été le résultat d’une sorte de compilation d’autres textes, provenant de sources diverses. Certains passages sont très pointus et pourraient provenir de chancelleries longuement formées à l’écriture de ce genre de documents comme celle d’Aix-la-Chapelle par exemple. Sa lecture montre que ce texte mêle des notions juridiques réglant les rapports entre citoyens à des termes plus larges évoquant les relations internationales. C’est assez curieux et suffit à éveiller la perplexité de celles et ceux qui n’avalent pas tout cru ce que l’on veut vendre au bon Peuple. Là encore, il fallait bien trouver un moyen de souder la nation.
Fausses informations et faits avérés
De nos jours, c’est un peu plus compliqué, car ce ne sont plus seulement les pouvoirs qui distillent les fausses informations et les manipulations diverses, mais c’est aussi le Peuple lui-même, qui par l’intermédiaire des réseaux sociaux, se plaît à répandre haines, mensonges, fausses rumeurs et autres intimidations, sans parler de photographies indécentes dûment retouchées.
La publicité, la mode, la propagande politicienne ont montré la voie. Les partis populistes ont fait le reste, devenant les auteurs évidents de manipulations de l’opinion, n’hésitant pas à répandre les plus gros mensonges, en prenant soin de toujours mêler les fausses informations à quelques faits avérés. Les politiciens eux-mêmes se lâchent sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire de leurs fanatiques partisans aveuglés. Issue de la lâcheté, l’alliance du mensonge et de la manipulation est promise à un bel avenir.
Il n’y a même plus besoin de maquiller une image, car on «l’organise» à l’avance, ce qui permet de dire que la photo n’est pas truquée et donc qu’elle raconte la vérité vraie. Trump en a usé et abusé tout au long de son mandat jusqu’au 6 janvier 2021 inclus et persiste bien au-delà de son mandat.
Bref, il est aujourd’hui, hélas, habituel que de nombreuses bonnes âmes tombent dans les pièges tendus par ces mises en scène. Faut-il donc réhabiliter le scepticisme comme vertu cardinale et éduquer nos enfants en conséquence. Plus vite dit que fait. Mais si vous pensez à d’autres solutions, je suis preneur.