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C’est avant tout un héritage de la vie passée. Le respecter, c’est établir une continuité entre passé et présent, c’est faire vivre les fondements de notre existence actuelle afin que cette continuité permette de maintenir des repères. Nous vivons à un rythme de plus en plus accéléré. Dans tous les domaines on prône l’innovation; l’évolution des techniques nous éloigne de plus en plus du monde naturel. Nombre de gens de tous âges en souffrent, qu’ils en soient conscients ou non.
C’est une nécessité pour les humains de pouvoir se rattacher à des signes forts, que ce soit au niveau général du paysage naturel ou bâti; que ce soit dans leur environnement personnel où intervient la mémoire familiale. Je citerai comme exemple les grands feux qui sévissent un peu partout dans le monde et causent des désordres psychologiques importants chez ceux qui en sont victimes et les privent de leurs repères.
À la Vallée de Joux, nous avons vécu, comme partout en Suisse, une période de semi-confinement. Beaucoup de gens ont souffert du peu de contacts les uns avec les autres, ce qui n’est pas habituel dans nos villages. Les autorités communales ont eu l’excellente initiative vers la fin de l’été d’organiser une présentation d’archives de la TV romande sur des sujets de la région. Des séquences filmées, reportages d’activités traditionnelles, alternaient avec des interventions sur le plateau de personnalités reprenant des sujets semblables. Cette bonne illustration de la relation passé-présent a été accueillie par le public avec une grande émotion et beaucoup d’enthousiasme. Jeanmichel Capt et Rémy Rochat figuraient au nombre des orateurs de cette manifestation, tous deux ont accepté d’apporter leur contribution à ce numéro de l’essor. Jeanmichel Capt, luthier, perpétue la tradition d’utiliser les bois de résonance du Risoud, ces spécimens dont les troncs comportent peu de nœuds du fait de la configuration de la forêt. Rémy Rochat est la mémoire vivante de la Vallée, grâce à lui, nombre de pages d’histoire locale ont pu être consignées dans des brochures ou des livres accessibles à chacun et qui figurent dans les bibliothèques familiales.
Le patrimoine bâti, nous avons un devoir impératif de l’entretenir. Dans nos pays occidentaux, nous avons la chance d’avoir une très riche diversité de bâtiments. Les constructions du passé sont marquées autant par la géographie que par l’époque où elles ont été édifiées. Les conditions géographiques ont déterminé leur type de toiture, la forme de leurs ouvertures et les matériaux utilisés alors que maintenant tout s’uniformise, la typologie du bâti est même bien souvent en contradiction avec les conditions locales. Bien que l’Europe ait subi des destructions très importantes, dues tant aux incendies (pensons à Lisbonne au XVIIIe siècle) qu’à des guerres comme celles du siècle dernier qui ont vu des villes rasées en Pologne ou en Allemagne par exemple, le respect du patrimoine a été assez fort pour inciter à reconstruire avec une belle unité de vision. La situation est bien différente dans d’autres parties du globe. Certains pays du Proche et du Moyen Orient sont actuellement ravagés par des guerres qui n’épargnent ni les civils ni leur habitat. On rase des cités entières pour que l’ennemi ne puisse s’y installer, que restera-t-il du cœur de villes anciennes qui avaient jusqu’ici résisté à toute destruction? D’autres continents connaissent une autre problématique. Là où les habitats traditionnels sont construits avec des matériaux tels que le bois et la paille, ceux-ci sont facilement la proie des flammes. Les victimes n’ont pas les moyens de rebâtir, elles quittent la région, elles partent en ville dans l’espoir d’une vie meilleure. L’exode rural va grossir les bidonvilles et les sites anciens sont quasi définitivement délaissés.
Un danger encore plus important menace l’ensemble de nos paysages et le patrimoine bâti en particulier, cela sur tous les continents: le dérèglement climatique. Sans parler des inondations et des autres phénomènes météorologiques qui ravagent certaines parties de la planète, nos régions ne sont pas épargnées. En Suisse, la fonte des glaces menace déjà des vallées alpines, en France, les côtes normandes s’effritent comme des tranches de gâteau, des orages succédant à des périodes de sécheresse gonflent les rivières qui détruisent des localités, et la liste de ces calamités ne va faire que s’allonger…
Nous ne parlerons pas ici du patrimoine immatériel, le danger est différent. Il est plutôt menacé d’une lente érosion. Des traditions, des savoirs anciens peuvent se transmettre de personne à personne, même s’ils ne sont pas consignés par écrit. C’est aussi leur chance de survie.
En conclusion de cet article, efforçons-nous tous, dans la mesure de nos moyens, de faire en sorte que les patrimoines restent vivants.
Christiane Betschen-Piguet