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Ce matin-là je constate qu'il est urgent de réapprovisionner les buffets de la cuisine. Tout est vide. Je me souviens qu'il reste un peu d'essence dans la voiture, assez, je pense, pour atteindre la prochaine station qui se trouve à 4 km. Je mets en route le moteur, il tourne, ouf! En moins de 3 minutes me voici devant la pompe qui, je l'espère, va remplir mon réservoir, peut-être pour la dernière fois. Déception! grande déception! Un écriteau indique qu'il n'y a plus aucune réserve, que toutes les cuves sont vides. Quatre autos sont déjà en attente derrière moi. Je réalise qu'il faut filer et tenter d'aller jusqu'à la petite ville qui se trouve à 5 kilomètres à peine. Si j'y parviens, je suis sauvée. Là-bas il y a plusieurs garages, il y en aura bien un qui aura encore un peu de carburant pour que je puisse revenir chez moi avec quelques provisions. C'est d'ailleurs dans ce lieu que sont les deux grandes surfaces où je trouverai les denrées qui me permettront de nourrir la famille pour les prochaines semaines.
En chemin ma voiture commence à tousser. Heureusement la route descend presque tout du long. Il y a juste une petite montée au moment de quitter la semi-autoroute. Je vais me lancer afin de pouvoir atteindre le sommet. Ouf! bon! me voici en haut de la montée, juste à ma gauche il y a un garage. Mais… alors non! il est fermé. Si au moins je ne m'étais pas arrêtée, je ne suis pas certaine de pouvoir repartir. J'essaie de mettre le contact, ça crachote, toussote, soupire et meurt! Je m'apprête à sortir et à m'arracher quelques cheveux en réfléchissant à la manière de me tirer d'affaire. Le ciel m'envoie un ange gardien sous la forme d'un ouvrier en salopettes qui me propose de pousser ma voiture pour tenter de la faire démarrer.
- Je vous pousse un bout, après ça descend, juste au bas de la pente il y a le garage du Verger. Là, vous êtes sauvée.
Je me confonds en remerciements et hop me voilà partie. Après de nombreux soubresauts le moteur ronronne et je glisse jusqu'au miraculeux garage qui va me sauver la mise. Zut, zut et re-zut! Une dizaine de voiture sont arrêtées, leurs chauffeurs en grande discussion lèvent les bras en signe de désespoir, plus une goutte d'essence! Je tâte le terrain discrètement.
- N'y aurait-il pas une station à la périphérie de la ville où je pourrais aller chercher un jerricane de cet élixir que je suis prête à payer à prix d'or?
Un grand éclat de rire me répond pour me convaincre qu'il n'y en a plus une goutte loin à la ronde. J'utilise alors me deux jambes pour me rendre à la grande surface la plus proche. Je trouve porte fermée. Une pancarte indique que faute de livraisons tous les rayons sont vides.
Me voici en larmes. Non seulement je ne me vois pas marcher les 9 km qui me séparent de chez moi, mais encore j'ai les mains vides, plus rien à manger. Et voici qu'un autre ange gardien apparaît. Peut-être ému par mes larmes, un paysan sur son char tiré par deux chevaux s'arrête devant moi.
- Montez ma petite dame. Où vous allez?
Je grimpe et je vois, alignés, une rangée de paniers pleins de pommes luisantes et parfumées.
- Servez-vous, qu'il me dit.
Ce que je m'empresse de faire.
- Et là, dans cette caisse, j'ai des pots plein de séré, si ça vous dit…
Bien sûr que ça me dit. Heureuse, je constate que, comme dans mon enfance quand j'allais avec ma tante de village en village vendre les cerises du verger, cet homme s'en va vendre ses pommes et ses fromages et en plus il apporte la joie et la santé.
Après-pétrole vous avez dit ? Il y aura de drôles de surprises.