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La dépendance aux énergies fossiles est le symptôme d'une grave maladie frappant notre société postmoderne: l'absence totale de vision à long terme. A l'image d'un animal qui épuiserait ses réserves de nourriture sans en constituer de nouvelles, l'industrie presse la terre comme un citron pour en extirper les dernières gouttes de pétrole, sans prendre le temps d'une réflexion sur l'avenir. La catastrophe du golfe du Mexique est le signal tragique de la démesure dans laquelle le modèle économique dominant s'est enfermé. Durant ces dernières décennies, l'industrie pétrolière a constamment cherché à repousser les limites du possible, prenant des risques toujours plus importants. La fuite en avant d'un modèle pourtant condamné à disparaître offre un spectacle affligeant.
La transition vers une société sans pétrole – les scientifiques parlent d'économie «décarbonisée» – n'est pas seulement souhaitable; elle est aussi inéluctable. La question n'est pas tant de savoir si cela va se produire, ni même quand cela va se produire. Les hydrocarbures sont épuisables et la découverte de nouveaux gisements ne fait que repousser l'échéance. La «finitude» de notre planète n'est plus à démontrer. C'est bien plutôt la question du comment qui doit nous interpeller aujourd'hui.
L'être humain a tendance à attendre d'être dos au mur pour réagir. L'anticipation des problèmes à venir est pourtant indispensable, sans quoi le tribut à payer sera lourd. En l'absence de politiques d'accompagnement ambitieuses, la fin de l'ère des hydrocarbures pourrait être une page sombre de l'histoire des sociétés humaines: aggravation des conflits géopolitiques liés à l'exploitation des dernières ressources pétrolières, flambée des prix laissant les plus démunis sur le côté, etc. Les plus fortunés et les plus résistants tireront leur épingle du jeu. Mais les dégâts pour les populations fragiles sont potentiellement énormes. La crise des ressources énergétiques peut encore aggraver les inégalités qui traversent la planète.
Si la dépendance au pétrole révèle l'absurdité de la démesure contemporaine, l'après-pétrole peut alors aussi aider l'être humain à retrouver le sens de la mesure qu'il semble avoir entièrement perdu. Ce sera une occasion d'imaginer des modes de production plus respectueux des cycles naturels. La généralisation des énergies renouvelables aura une double conséquence salutaire. Elle invitera, d'une part, l'être humain à faire preuve de davantage d'humilité en lui rappelant que les limites à la production économique sont données par la nature elle-même. Elle permettra, d'autre part, de redonner à l'individu une autonomie dont il a été dépossédé avec l'avènement des grandes centrales de traitement des énergies non-renouvelables – raffineries, centrales à gaz ou au charbon, réacteurs nucléaires. Les nouvelles énergies renouvelables sont par nature destinées à fonctionner de manière décentralisée. Elles supposent un changement complet de paradigme par rapport au modèle actuel de la production d'énergie. Il est manifeste que le pétrole et sa commercialisation obéissent à une logique technocratique et autoritaire peu compatible avec l'avènement d'une société plus juste et plus respectueuse des écosystèmes.
L'épuisement des énergies fossiles semble être la seule limite à l'orgueil de la société contemporaine. Puisse l'ère de l'après-pétrole signifier la primauté des besoins humains sur les besoins de l'économie ainsi que le respect des règles du jeu fixées par la nature elle-même…
Raphaël Mahaim
Député au Grand Conseil vaudois, Les Verts