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Dans ce climat qu’on ressent en déliquescence, entre multiples fronts de guerre effrayants, crises économiques et climatiques, la peur engendre la sidération, le repli sur soi et laisse le terrain à toutes les techniques de survie, des plus nobles aux plus sauvages. Il ne fait pas de doute que l’ambiance est anxiogène, écrasée sous les incohérences, les contradictions et le sentiment d’être dans une nasse, sans moyens de sortir du piège.
Une mondialisation qui se voulait un nouvel espace d’échanges, de réflexions et de solutions partagées, dans la vision d’un « village global », s’est transformée en une course à l’exploitation de la force humaine des plus pauvres pour extorquer leurs richesses et leurs énergies à bon compte, désindustrialiser les pays les plus développés et transférer le travail pénible et polluant hors de chez soi.
Ces nouveaux emplois en Chine et dans d’autres pays dits en développement ont, certes, permis de sortir un bon nombre de personnes de la misère, mais maintenu des conditions de travail insuffisantes pour vivre dignement. La concentration des moyens financiers et des décisions stratégiques entre les mains de quelques grandes entités favorisent la mainmise sur les gouvernances et écrasent les peuples.
Pendant ce temps, les classes moyennes et inférieures se voient de plus en plus pressurisées, les élites gouvernementales perdent leur crédibilité et les tentatives d’explications et de compréhensions partent dans tous les sens. Chacun se raccroche aux branches en tentant de choisir parmi de multiples têtes de file auto-proclamées, ou portées en coulisses, et se trouve à suivre des courants embarqués dans des surenchères délirantes.
Le vrai se mixe au faux, infernal à trier, embarqué dans des détournements de démonstration pernicieux, pour amener le peuple à préférer des « régimes forts », c’est-à-dire dictatoriaux pour redresser la barre: grossière déviance, mais si facile, si logique… Attendre de personnes épuisées, stressées, angoissées de trouver l’énergie de s’informer à des sources honnêtes, étayées, raisonnables, prendre le temps de réfléchir, recouper, sans tomber dans les nombreuses manipulations glissées dans les interstices, sans se laisser aspirer dans une pente dangereuse est beaucoup demander.
La démocratie est largement attaquée par des puissances dictatoriales, des groupes prônant un nationalisme étroit, des partisans et profiteurs du chaos, par des argumentsmiroir de ses qualités: trop lente, typiquement occidentale, trop fréquemment hypocrite. En poussant les réflexions du citoyen pressé vers les extrêmes, le cheminement le plus aisé sera alors de suivre n’importe quel chef de file, plus charismatique que les autres, partant de l’idée qu’il fera certainement l’affaire, pourvu qu’il résolve mes problèmes personnels…
Si le WEF a avancé la confiance comme thème central, ce n’est pas purement rhétorique: celle-ci fait en effet de plus en plus défaut, mais pour la rétablir, un rééquilibrage des forces et un sentiment de justice est primordial. On entend bien quelques éléments correctifs se glisser dans la boucle médiatique: des milliardaires suggèrent d’être taxés à 2%, des prélèvements fiscaux égaux sur toutes les grandes entreprises, c’est intéressant, mais ce sera aussi nécessaire d’octroyer des moyens massifs pour rendre la justice locale et internationale plus efficace, des règles économiques plus respectueuses pour ceux qui créent et entretiennent réellement la richesse du monde.
Aujourd’hui, les organisations internationales devraient sortir des rapports de force entre blocs, de ce dramatique esprit de compétition et être débarrassées de ce fichu droit de veto. Ce prometteur village global demande à ce que tous les quartiers aient voix au chapitre et soient intégrés dans les mêmes règles du jeu pour tous, avec la souplesse nécessaire pour s’adapter aux conditions particulières des régions.
Les peuples ont besoin, plus que jamais, d’un projet général de société, basé sur des règles de justice et d’équité, afin de redonner de l’espoir, l’envie de tirer ensemble à la même corde. Ces besoins sont pressants, les colères grondent et pour construire la paix, c’est la justice qui doit être cultivée.