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Août 2023
IA – Les deux faces de Janus
Auteur : Georges Tafelmacher

L’intelligence artificielle est devenue omniprésente et a envahi tous les recoins de la société et ses conséquences dans nos vies nous laissent carrément pantois car nous n’avons pas été préparés quant à ses implications. Ce sont surtout la grande industrie, la finance, les gouvernements et les opportunistes motivés par leurs intérêts propres qui sont aux commandes et jamais ils les relâcheront même en sachant qu’ils mettraient en danger le développement de l’humanité et la santé de la planète.

Malgré les mises en garde contre les répercussions négatives et les dangers globaux de l’IA, on est toujours face aux menaces existentielles de par l’introduction forcenée de celle-ci dans cette ère naissante d’un capitalisme de la surveillance. En effet, la numérisation a envahi le quotidien des gens, avec un accès accru à leurs données permettant de surveiller la société. Pour la première fois dans l’histoire, il est techniquement possible de surveiller tout le monde et de connaître les gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. À cette fin, les outils de communication, collectant tout type de signaux biométriques (des mimiques et du langage corporel jusqu’à la pression sanguine, le rythme cardiaque, l’activité cérébrale), peuvent surveiller la pensée et les sentiments.

D’une percée technologique globalisante, l’intelligence artificielle menace de faire s’effondrer notre croyance en nos existences. Qu’il s’agisse de chatbots utilisés par les autorités sociales, d’algorithmes de «scoring» qui décident de la solvabilité, d’outils de «police prédictive» qui tentent de prédire les crimes, ou de systèmes de profilage qui nous présentent des publicités personnalisées, les systèmes algorithmiques basés sur l’IA façonnent les humains et la société. Ils sont également utilisés pour prédire, recommander ou même prendre des décisions nous concernant. Cependant, ces systèmes algorithmiques, qui peuvent augmenter notre efficacité et notre productivité, peuvent aussi conduire à la discrimination, influencer la formation de l’opinion publique et renforcer les injustices existantes.

Sans aucune étude sociétale

Les magazines d’actualités s’efforcent par des articles orientés, de nous convaincre par tous les moyens, d’adhérer à l’intelligence «artificielle». Mais en les lisant attentivement, nous percevons entre les lignes une sourde angoisse qui pointe, cette IA pouvant causer des problèmes insolubles allant même jusqu’à mettre l’entier de la société en danger. Face à l’avalanche d’articles concernant l’IA en vue de la faire accepter par le peuple en tant que réalité incontournable, à aucun moment il a été pris en considération l’aspect sociologique de cette entité ni la réalité de la société dans laquelle l’IA devrait s’inscrire. Or, toutes les justifications visant l’introduction de l’IA omettent d’étudier la société dans laquelle elle se produira. Le problème est qu’à aucun moment, une réflexion sur ses conséquences n’a été menée et l’IA a été introduite sans qu’aucune étude sociétale n’ait été mandatée pour investiguer son innocuité. C’est comme si on est en train de mener une expérience en grandeur nature sur la population pour, selon les résultats, prévoir des réglementations qui, comme on le sait très bien, ne pourront jamais couvrir la globalité des conséquences possibles. D’autant plus que l’introduction de l’IA a été faite sans aucune consultation populaire, ni aucun agrément de sa part.

Si nous lisons entre les lignes de ces articles, nous pouvons comprendre quelles sont les véritables intentions derrière cette percée spectaculaire.

L’intelligence artificielle a déjà colonisé de nombreux pans de notre quotidien. L’IA permettra la robotisation qui aura un impact sur les places de travail car 30 à 40% des emplois pourraient disparaître. Ce n’est pourtant pas la première révolution qui menace nos emplois. Au 18e siècle, l’invention de la machine à vapeur avait créé les pires craintes. Chaque fois qu’il y a un progrès technologique, les hommes craignent pour leur futur car tout devient hors de leur contrôle. La différence avec l’intelligence artificielle, c’est la rapidité et l’ampleur de ces nouveautés et que tous les secteurs sont concernés. Aussi bien les journalistes que les avocats, les médecins, les interprètes, soit toute la population.

Un énorme prix à payer

Bref, au final, le prix à payer pour l’IA sera énorme car ses désavantages dépasseront les avantages espérés compte tenu de l’état actuel du monde et de ses dirigeants. Une réglementation ne résoudra pas le problème du mauvais usage de l’IA. En principe, si quelqu’un collecte les données des gens, celles-ci ne devraient être utilisées que pour les aider, pas pour les manipuler, nous ne devrions jamais permettre que toutes les informations soient collectées par une seule instance; la surveillance des gouvernements et des grandes entreprises doit aussi être renforcée. Mais en réalité, cette réglementation ne pourra être appliquée car il y a trop de gros intérêts en jeu. D’autant plus que celle-ci peut être facilement contournée par des plus malins.

On doit mettre les populations en garde contre l’IA, qui pourrait se muer en un puissant outil au service non seulement des régimes autoritaires mais aussi des démocraties usurpées par les intérêts politiques et économiques. Comme aucun règlement ne nous protégera de ses mauvais usages – celui ne pouvant pas couvrir toutes les possibilités qu’offre l’IA – il sera facilement contourné par n’importe qui un tant soit peu doué dans le maniement de ce moyen électronique. Il faudra être très vigilants.

Georges Tafelmacher

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