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Février 2019
La chasse, ennemie de la biodiversité
Auteur : Alain Prêtre

Le pronostic vital de la nature est engagé, ici en Suisse comme sur l’ensemble de la planète. Si rien n’est entrepris pour sauver ce qui peut encore l’être, dans dix ans la nature se trouvera en situation de coma dépassé.

Les experts unanimes risquent la formule «d’effondrement de la biodiversité» pour qualifier la disparition de la vie sauvage: 80% des insectes au cours des vingt dernières années, plus de la moitié des animaux sauvages au cours des cinquante dernières années.

La chasse alourdit malheureusement la facture. Il serait sage et sain dans ces circonstances que ses adeptes raccrochent le fusil au clou. Que nenni. Les chasseurs neuchâtelois n’ont de cesse pourtant de se présenter comme étant «les premiers protecteurs de la nature». Ah bon! L’envie de tuer la faune sauvage de manière totalement gratuite l’emporte sur l’impérieuse nécessité de la protéger. Difficile de refréner des pulsions paléontologiques lorsque celles-ci sont actionnées par un cerveau reptilien.

Les quelque 400 chasseurs du Canton poursuivent ainsi leurs expéditions punitives dans la nature comme si cette dernière regorgeait d’animaux sauvages. Ils se retranchent derrière la soi-disant nécessité de régulation pour justifier leurs actes barbares. La réalité est malheureusement tout autre. Les chasseurs ne régulent, ni ne gèrent, ni ne prélèvent, mais ils tuent, par plaisir uniquement. La régulation, ce sont les prédateurs qui sont les seuls en capacité de l’assurer avec discernement et efficacité. Les nemrods, eux, sèment la souffrance, la violence et la mort dans nos montagnes et campagnes.

Les chasseurs neuchâtelois décident eux-mêmes du nombre d’animaux qu’ils tueront sachant que Laurent Favre, chef du Département de l’aménagement du territoire, n’y opposera pas son veto. Il existe bien une commission consultative de la faune sauvage ayant pour mission de définir le plan de chasse de la (trop longue) saison de chasse. Les chasseurs y sont largement majoritaires malgré les apparences. Ils peuvent compter en effet sur certains représentants des forestiers et agriculteurs qui sont eux mêmes chasseurs. Ils ne rencontrent pas la moindre opposition au sein de cette commission malgré la présence de deux ONG de protection de la nature. Aussi surprenant et déroutant que cela puisse paraître, Pro Natura et le WWF Neuchâtel, par la voix de leurs représentants respectifs, Yvan Matthey et Sylvie Barbalat, n’hésitent pas à déclarer leur sympathie pour la chasse. Une position que les chamois, faons, lièvres, bécasses et autres renardeaux doivent apprécier!

La chasse est le plaisir des tyrans.
– Lamennais (1854)

Cette commission consultative n’est en fait qu’une caricature de démocratie puisque la pluralité des opinions n’y existe pas et qu’aucun représentant de l’Alliance neuchâteloise anti-chasse n’y siège. Ce qui est absolument inadmissible quand on se souvient, qu’en 2012, plus de 6000 citoyens neuchâtelois s’étaient prononcés contre la chasse.

Les chasseurs ont ainsi les mains libres pour tirer ce qu’ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent.

La Fédération neuchâteloise de chasse ne se contente pas de tirer les espèces chassables. Le lynx, espèce protégée, dont chacun reconnaît l’utilité pour la régulation des chamois et chevreuils, est dans son collimateur. Dans leur édition du 22 avril 2016, L’Express et L’Impartial titraient: «Le lynx dans le viseur des chasseurs neuchâtelois». Un projet funeste qui témoigne du mépris absolu des nemrods du Canton pour la vie sauvage. Aucune raison en effet ne peut justifier le tir du lynx, sauf à considérer comme le déplore les chasseurs «qu’il mange notre gibier».

Le retour confirmé du loup dans le Jura franco-suisse leur fournit l’occasion une fois de plus de montrer leur haine viscérale de ce grand prédateur. La présence de ce canidé est pourtant saluée par les forestiers à cause de la régulation qu’il opère sur les cervidés au bénéfice d’une forêt dynamique et vigoureuse.

Alain Prêtre,
www.alainpretre.ch

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