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Lisez la notice d’emballage! ben voyons! Ce n’est qu’une des nombreuses perversions du langage que nous servent quotidiennement les «nouveaux communicants». Dans le cas présent, ce n’était que pour éviter le mot, désormais banni, de «prospectus». Mais, si je comprends bien le français, les mots «notice d’emballage» désignent une notice qui décrirait le détail de la fabrication du dit emballage. En aucun cas, une «notice d’emballage» ne serait à même d’informer le quidam à propos de la composition du produit qui est à l’intérieur, pas plus qu’elle n’en expliquerait la posologie ou le bon emploi. Evidemment, cet exemple n’a pas l’envergure drolatique des cocasses pépiements «trumpiens». Il ne fait qu’attirer – disons plutôt détourner – l’attention sur les autres égarements de langage qui pervertissent la communication.
Toutes les langues du monde sont affectées
Bien sûr, la langue doit évoluer et accompagner les divers changements qu’implique cette course à la consommation que quelques-uns de nos édiles osent appeler «progrès». Même si cette évolution se fait au moyen de simplifications idiotes ou de complexifications kafkaïennes, tantôt aberrantes, tantôt déviantes, au prétexte que les écoliers (qui, au passage sont devenus des «apprenants») seraient incapables de saisir les subtilités – nombreuses, il est vrai – de notre belle langue. Les élèves seraient-ils devenus plus bêtes qu’avant? Si oui, il faut – toutes affaires cessantes – s’en inquiéter. Car si l’appauvrissement du vocabulaire ne faisait qu’endommager les langues? Mais non, ne nous y trompons pas! Toutes les langues du monde sont affectées. Encore un épiphénomène de la mondialisation.
Il ne s’agit pas ici de regretter le beau langage pratiqué dans le passé, mais bien d’évoquer une perversion permanente du langage. Je laisse ici la polémique concernant le langage épicène, dit, à tort, «inclusif» que proposent nos administrations publiques et autres Alma mater (qui ont laissé passer, sans broncher, la terrible «notice d’emballage»). Peut-être faudrait-il déléguer à l’Académie française un pouvoir de police du langage? Cependant, la perspective d’avoir à lire un roman – ou même un simple mode d’emploi – «enrichi» de tels appendices ne m’enchante que fort modérément.
Sur les ondes de la radio romande, j’ai entendu un Monsieur, – alors président romand «d’Avenir Suisse» – affirmer avec dédain que l’enseignement du latin, une langue morte, était inutile. Il est vrai qu’Avenir Suisse, on doit dire think tank au lieu de «réservoir d’idées» ou «boîte à idées» ou même «cercle de réflexion» n’a, pour toute aune, que le développement économique au mépris de tout ce qui ne concourt pas à l’accroissement sonnant et trébuchant. Choqué par cette affirmation, car notre français a ses racines étymologiques plantées profondément dans les langues grecques et latines, je soutiens que rien ne vaut l’apprentissage du latin (et du grec, en particulier pour les thérapeutes) afin de «comprendre» le français. Comprendre, cum prendere, prendre avec (soi). Si ce personnage, rompu aux méthodes des lobbies – cercles d’influence, groupes de pression, associations de défense d’intérêts privés: le français ne manque pas de vocabulaire –, se préoccupait de l’avenir économique du pays autant qu’il le prétendait, si par ailleurs, il souhaitait recevoir des soins administrés par un personnel médical compétent, il comprendrait aisément que l’appauvrissement de la langue ne peut en aucun cas favoriser le développement économique. Ce n’est pas l’argent qui amène les idées, ce sont les idées qui favorisent le véritable progrès, encore faut-il qu’elles soient bien expliquées et bien comprises.
Reconnaissons toutefois que c’est en matière administrative que calembredaines et babioles trouvent un infini territoire. Glissons sur les très connus malvoyants, malentendants et autres personnes à mobilité réduite, sur les non moins célèbres techniciennes et techniciens de surface, les agentes d’accueil, n’oublions pas la problématique, la finalisation et, cerise sur ce gâteau indigeste: les minorités ethniques non sédentarisées.
La langue de bois a fait des petits
Laissons-là ces billevesées administratives et parlons un peu «politique»! La trop fameuse langue de bois a fait des petits et s’agrémente aujourd’hui du cynisme le plus cruel. Les exemples sont nombreux, nous n’avons que l’embarras du choix. Certes, le clown raciste de la Maison Blanche, aux pépiements mensongers, restera dans les annales comme un phénomène digne du cirque Barnum. Il y a aussi le mégalomane d’Ankara qui n’hésite pas à organiser lui-même une prétendue tentative de coup d’Etat, et à faire revoter le peuple lorsque le résultat ne sied pas à ses désirs. Ne négligeons pas le ministre de Rome, atteint de cécité oculaire et auditive sans qu’il ait à souffrir de mutisme. Il ne faudrait pas oublier le colonialiste de Jérusalem, à la moralité douteuse, dont la compréhension du droit international paraît lourdement altérée. Ne laissons pas de côté l’empereur de Pékin dont les scores électoraux sont si hauts qu’il pourrait bien y avoir plus de votes que de votants. Ni le Hun de Budapest qui pourrait conseiller le clown de Washington en matière de barrières et de murs. Encore moins à oublier: le tsar de toutes les Russies pour qui la démocratie est un concept dangereux, décadent et malfaisant…
En un mot comme en cent, il y a de quoi pervertir toutes les langues de la planète! La liste est encore très longue de ces potentats qui usent et abusent, trompent leurs concitoyens en proférant de grossiers mensonges, en détournant l’argent à des fins plus électorales qu’utiles au bien-être de leurs populations, en entretenant de petites, mais sinistres guerres, en encourageant subrepticement racismes et intolérances diverses… Le support de ces infamies se tient, tout entier, dans l’utilisation d’un langage, dûment choisi, non pas tant pour la signification des mots utilisés que pour leur efficacité émotionnelle. Ces locuteurs, ne croient eux-mêmes pas un mot de ce qu’ils affirment, ce n’est là que pour attraper l’adhésion massive de leurs audiences. Ils n’hésitent pas à nommer leurs ambassadeurs selon le montant du chèque qui aura contribué à leur élection, au détriment de diplomates professionnels très longuement formés, ce qui peut en partie, expliquer les troublantes et inutiles «tensions» que traverse le monde.
Bien qu’il reste beaucoup à dire, je m’arrêterai là. Mais il serait bon que les tenants du juste langage ouvrissent les oreilles et les yeux afin de dénicher les inepties proférées ici et là, ne serait-ce que pour dénoncer les détournements qui finissent par pervertir les auditeurs eux-mêmes.
Marc Gabriel