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Je suis navré de ne pas partager l'espoir de mon ami Jean Ziegler qui, dans Le capitalisme expliqué à ma petite-fille, dit qu'il espère qu'elle en verra la fin. Je sais qu'il faudrait espérer contre toute espérance, mais je n'en suis guère capable. Pis que cela, je ne crois pas que ce soit utile.
D'abord je ne vois nulle trace du dépérissement du capitalisme. Partout, on investit, on cherche des capitaux, on fusionne les entreprises pour avoir plus de capitaux. Ensuite, le capital c'est ce que dont on a besoin pour produire: cela peut-être des matières premières, des outils et des machines, de la main d'œuvre. Même Marx n'a pas dit qu'il fallait abolir le capitalisme mais qu'il fallait donner le pouvoir à ceux qui produisaient.
Je pense que ce que Jean Ziegler souhaite, c'est qu'il n'y ait pas d'exploitation de la main-d'œuvre et qu'on ne cherche pas à constamment créer des objets de consommation inutiles. Là je suis parfaitement d'accord avec lui.
Il y a eu plusieurs tentatives de créer un capitalisme humain. On a reconnu les syndicats où les représentants des ouvriers peuvent négocier avec leurs patrons. Mais les patrons ont toujours l'argument décisif: c'est eux qui fournissent le travail. Une autre tentative fut la coopérative. Malheureusement les coopératives (en Suisse Migros, Coop, etc.) sont en général devenues de grandes entreprises dont la gestion est remise entre les mains d'un conseil d'administration et dont les clients ne voient guère de différence entre les produits qu'ils y achètent et ceux qu'ils achètent dans les autres magasins. C'est sans doute un effet de la concurrence.
Mais plutôt que de s'égosiller «À BAS LE CAPITALISME !!!» ne vaut-il pas mieux travailler à des nouvelles formes de consommation (car on aura toujours besoin de manger, de s'habiller, de se divertir)?
Et puis: que faire des capitalistes? Faut-il les fusiller? Mais qui hériterait de leurs capitaux? On a vu que les régimes qui ont nationalisé les biens des capitalistes (par exemple lors des révolutions russes et chinoises) ont institué un capitalisme d'Etat où les travailleurs ont encore moins le droit à la parole. On a aussi constaté que les entreprises gérées par l'Etat marchent en général moins bien que celles qui sont gérées par un PDG. Alors que faire?
Ce n'est pas très nouveau: renforcer les syndicats, renforcer ou créer des coopératives. Et par-dessus tout, informer. Cette information doit surtout porter sur les effets de la production sur l'environnement, la consommation d'énergie et la pollution. Une bonne information permet de réprimer beaucoup d'abus.
Mais c'est de la social-démocratie! me dira-t-on avec mépris. Dans la mesure où la social-démocratie n'est pas récupérée par le patronat, je ne vois pas où est le mal.