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Octobre 2015
Qui traque les migrants?
Auteur : François Iselin

Aujourd'hui, on est au début d'une crise qui va perdurer (P.-A. Rosental, 2015). La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître: pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés (Antonio A. Gramsci, 1983)

Dans son précédent forum, l’essor débattait des «Méfaits du capitalisme». Le drame humain provoqué par la traque aux migrants n'est qu'un de ses méfaits de plus. Depuis le début de l'année, 340.000 d'entre eux ont tenté de franchir les frontières de l'Union européenne et seuls 32.000 y ont été accueillis, ce qui ne représente que le 0.07% de sa population. Pendant le seul mois de juillet, 107.000 y sont entrés illégalement1, mais depuis 15 ans, 22.000 on péri aux portes de l'Europe2.

Si l'Occident capitaliste a envahi et pillé le monde appauvri en toute légalité, il considère comme illégal que ses victimes viennent quémander quelques miettes de leurs butins. Car, admettons-le, si ces personnes quittent leur terre natale c'est parce qu'au cours des siècles l'Europe a beaucoup fait pour les en déposséder par les guerres, la famine et la pauvreté. Si elle a légitimé le trafic d'immigrés pour en exploiter la force de travail, elle proscrit leur venue spontanée, sa cupidité n'en ayant que faire.

Toute loi qui porte atteinte à ce penchant qui commande à l’homme de donner refuge à quiconque lui demande asile n’est pas une loi.
Benjamin Constant

Aux yeux de la population, le capitalisme dissimule son lâche opportunisme sous prétexte de respecter la légalité. C'est au nom de ses Lois humaines que les Etats, en refoulant les migrants, les privent de leurs droits humains. Et c'est au nom de sa Justice qu'il fait porter aux «passeurs» le fardeau de ses crimes; mais il n'y aurait pas de ces passeurs si les Etats n'avaient bouclé leurs frontières!

Comme la primauté des Lois sur les Droits ne suffit plus à tromper la population, l'idéologie dominante les incite à la hargne chauvine: «La barque est pleine!»; à l'hypocrisie: «On ne peut accueillir toute la misère du monde»; à la xénophobie: «Les migrants sont inintégrables» et à l'égocentrisme: «ils n'ont pas à profiter de notre prospérité»…

L'Europe nazie, fasciste ou dictatoriale fut le vivier d'une idéologie censée légitimer l'exclusion de l'Autre. Ses valeurs humanistes de probité, générosité et convivialité sont devenues contraires aux valeurs vénales que le capitalisme a tenté d'instiller. Ainsi, de plus en plus de jeunes se rebellent, cachant des migrants menacés d'expulsion, les logeant discrètement chez eux, partageant leurs cultures et défendant avec acharnement leurs droits à la dignité. A preuve, à Lausanne ou Genève, ces jeunes occupent églises et bâtiments publics pour loger et protéger dignement les migrants menacés d'expulsion et contraints de vivre à la rue ou dans des abris souterrains.

Malgré les révoltantes chasses à l'homme perpétrées par les tenants de la «Justice et police», l'afflux de migrants ne cessera de déferler sur la vieille Europe. Il ne s'agit plus d'un drame, d'une fatalité, mais d'une aubaine, car cet appel d'air bienfaisant ravivera la résistance contre l'ostracisme qui a étouffé l'Europe et la Suisse. Mieux voudra l'intégration des migrants que la désintégration des nantis.


1. Bernard Conte, Marée migratoire vers l'Europe, 26.8.2015.
2. 2 M. Zerrouky, Le Monde, 20.4.2015.

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