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Un livre qui porte un titre qui fait peur, Maudite décharge, mais qui ne fait pas appel aux surhommes ou aux fantômes, mais à un lieu précis: la décharge de Bonfol. Il se trouve que je connais bien ce lieu, Bonfol et ses caquelons, ses sifflets, ses catelles, Bonfol et ses étangs avec ses grenouilles. Dans son introduction, l’auteur José Ribeaud, a une phrase qui éclaire toute l’histoire catastrophique de ce lieu: «La terre argileuse de Bonfol est une fée et une sorcière.» Cette terre a fait vivre toute une région, elle a fourni du travail à ses habitants, et elle a fini par les empoisonner. Les immenses trous d’où était extraite l’argile, une fois cessation de l’exploitation, ont donné des idées à l’ancien directeur de l’entreprise, issu de la région bâloise, qui s’est vite acoquiné avec l’industrie pharmaceutique de ce lieu pour y ensevelir 400.000 fûts de déchets hautement toxiques, la glaise étant sensée recouvrir ces détritus, les empêcher à tout jamais de dégager leurs miasmes, leurs poisons. On fit venir un expert bâlois pour vérifier l’étanchéité hydrologique et géologique de la glaisière; ses recherches aboutirent à la conclusion que l’imperméabilité du sous-sol argileux présentait une sécurité suffisante pour y déposer des résidus de fabrication de produits chimique sans risque de pollution des eaux souterraines. Il recommanda toutefois d’installer un système de drainage, ce que l’industrie refusa de prendre en note.
Les déchets s’entassèrent – 114'000 tonnes – et les pires magouilles s’installèrent entre l’industrie chimique bâloise, l’ancien patron de l’usine de céramique et la municipalité de Bonfol bien incapable de lutter à part égale contre des mastodontes de l’industrie et de la finance. Les habitants du village se plaignaient des odeurs dégagées par les dépotoirs, odeurs qui s’infiltraient dans leurs maisons et perturbaient gravement leur santé.
Pendant des années les contrats furent discutés, tantôt valables, tantôt caduques. Les contestations, les entourloupes durèrent quinze ans. La commune ne fut défrayée qu’à raison de 6 francs par tonne de déchets déposés et l’entretien du chemin d’accès. Aucune autre firme n’a le droit de déposer des déchets sur cet emplacement. Ce qui ne sera guère respecté.
Les photos qui illustrent ce livre sont terrifiantes: des fûts renversés, défoncés, entassés, un terrain que je ne peux qualifier que d’un mot: « saloperie »!
Commencé en 1950, le dépotoir de Bonfol sera dénoncé par la ministre française de l’environnement en 2000 puis attaqué avec virulence par Greenpeace. Quand une forte explosion se produit en 2010, tous les travaux sont stoppés. En 2013 les travaux d’excavation reprennent et en 2014 une fête sur le site de la décharge marque la cent millième tonne de déchets excavés! Si tout se poursuit normalement, les travaux seront terminés en 2016. Viendra alors la période de post-assainissement qui durera une dizaine d’années en tous cas.
Maudite décharge est un livre qu’il faut lire si l’on veut éviter d’autres catastrophes identiques. Il est né sous la plume du journaliste jurassien José Ribeaud et publié aux Editions Alphil à Neuchâtel.