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Si l’on fait une brève recherche sur Internet à propos des accidents nucléaires, on est frappé par l’importance de leur nombre depuis la mise en service des premières centrales. Mais c’est bien entendu la gravité de catastrophes telles que l’accident de Tchernobyl (1986) ou celui de Fukushima (2011) qui sont plus particulièrement inquiétants. Tant de vies brisées par la mort, le handicap ou le cancer et tant de dégâts irréparables causés à l’environnement ne sont tout simplement pas tolérables… le prix à payer est beaucoup trop élevé même s’il s’agit d’assurer l’approvisionnement de notre société qui ne cesse de gaspiller ce bien si précieux et indispensable qu’est l’énergie!
De plus, il faut bien admettre que l’on n’a toujours pas trouvé de solution au traitement et au stockage des déchets qui resteront radioactifs et très dangereux durant des dizaines de milliers d’années. Il est pour le moins irresponsable de transmettre ce cadeau empoisonné, dont personne ne veut près de chez lui, à nos descendants.
Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi et comment l’énergie nucléaire a pu se développer et s’imposer dans la plupart des pays industrialisés? Les besoins très importants en énergie et les intérêts des milieux de la production électrique ont occulté les problèmes liés à la sécurité à une époque où l’on vivait encore dans l’arrogante illusion de pouvoir tout maîtriser… Sans compter que les milieux intéressés ont savamment contrôlé l’information et entretenu des mythes tels que l’électricité d’origine nucléaire était sûre, non polluante et bon marché. On a ainsi passé sous silence nombre d’accidents, le lancinant problème des déchets et l’on n’a jamais pris en compte les coûts de traitement de ceux-ci ni du démantèlement des centrales qui se chiffreront en milliards de francs pour chacune d’elles!
Seuls les militants anti-nucléaires et leurs associations ont eu le mérite d’interpeler la société et de lutter avec conviction et persévérance contre la domination du lobby nucléaire. Il est triste qu’il ait fallu une catastrophe aussi grave que celle de Fukushima pour réveiller les autorités politiques de certains pays. Frappées de voir une telle catastrophe arriver dans une nation aussi développée et sûre que le Japon, ces autorités ont pris conscience de la réalité des menaces liées à la technologie nucléaire classique qui apparaît de plus en plus comme une source d’énergie coûteuse, très problématique et qui sera dépassée d’ici peu si on considère la limite des stocks d’uranium.
Relevons le mérite du Conseil fédéral et du Parlement suisse qui, entre mai et septembre 2011, ont eu la sagesse de décider de sortir définitivement du nucléaire. Dans la foulée, de façon responsable et conséquente, les autorités fédérales ont également adopté et financé un programme extraordinaire de recherche sur les questions énergétiques et le Conseil fédéral a élaboré la «stratégie énergétique 2050». Celle-ci fixe les objectifs et définit les principaux axes qui doivent permettre d’assurer l’approvisionnement énergétique de notre pays en sortant progressivement du nucléaire.
D’importantes économies d’énergie pourront être réalisées notamment par la rénovation et l’isolation des bâtiments ainsi que par l’augmentation de l’efficience énergétique des appareils et des moyens de transports. La mise en œuvre de la stratégie 2050 nécessitera certes des investissements mais aussi des changements de comportements qui nous concernent tous dans la manière dont nous consommons l’énergie.
Le développement des sources d’énergie renouvelables devra aussi rapidement devenir une réalité dans notre pays qui a pris un retard certain dans ce domaine. Il faut relever ici que trop de milieux résistent au changement pour des raisons parfois respectables mais que des choix de priorités devront rapidement s’imposer si on veut relever le défi de la sortie du nucléaire. Ainsi, sans remettre en cause la protection du patrimoine, il faudra assouplir certaines règlementations qui freinent trop souvent la pose de panneaux solaires sur certains immeubles qui ne sont pas tous d’un intérêt architectural essentiel.
En matière de protection du paysage, il faudra également accepter certains compromis pour permettre l’exploitation d’éoliennes dans des régions qui ne présentent pas un intérêt paysager d’importance nationale ou régionale prépondérant. Il en sera de même pour certains cours d’eau dans lesquels des installations de production d’énergie hydraulique pourront être exploitées tout en veillant à la sauvegarde de la faune et de l’environnement.
Il faudra également rendre possible, en prenant les précautions qui s’imposent, les explorations pouvant conduire à l’exploitation de cette source d’énergie pratiquement inépuisable qu’est la géothermie.
Pour relever ces défis sans que des recours systématiques ne soient déposés et viennent paralyser le développement de nouvelles sources d’énergie, il faut impérativement que les projets soient conçus en tenant compte autant que faire se peut des intérêts patrimoniaux et environnementaux et surtout en associant le plus tôt possible les populations directement concernées au processus de décision. Il s’agit ici aussi de faire fonctionner le «génie helvétique» qui doit permettre aux citoyens d’être partie prenante aux décisions et à la recherche de solutions les plus consensuelles.
De telles démarches nécessitent une bonne dose de responsabilité civique qui sera absolument nécessaire pour relever le défi essentiel de la sortie du nucléaire sans devoir recourir à une importation massive d’énergie d’origine étrangère et dont on ne contrôlerait ni la source ni la qualité de la production.
Notre pays possède suffisamment d’atouts en termes de ressources naturelles et de capacités de recherche et d’innovation pour pouvoir atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie 2050. Reste à traduire en actes une volonté politique et populaire claire et à accepter de payer un certain prix. Celui-ci devra rester raisonnable et il sera toujours moins élevé que le coût que devront assumer à long terme les pays qui persistent à suivre de façon inconsidérée la voie nucléaire.
Dans tout ce débat et au plan national, il ne faut pas sous-estimer les efforts des partisans du nucléaire, qui se sont certes faits discrets depuis les décisions de 2011, mais qui continuent bel et bien à œuvrer en coulisse pour tenter de démotiver les indécis. Il faut dire qu’une fois retombée l’émotion causée par les dégâts de la catastrophe de Fukushima, la conviction de certains adversaires du nucléaire est aussi moins forte et qu’ils sont prêts à entendre les voix qui veulent instiller le doute ou entretenir le scepticisme ou la résistance face à la stratégie qui doit nous permettre de sortir avec succès de l’impasse du nucléaire.
Nous devons donc garder le cap et tout faire pour sortir au plus vite de la voie dangereuse de l’énergie nucléaire!
Jacques-André Maire, Conseiller national PS-NE