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Critiqué, le système de santé suisse reste bien noté par les principales personnes concernées, les patients et les assurés. L’expérience montre que la population suisse ne veut pas de vastes réformes ou de projets aventureux qui en menacent la stabilité et l’efficacité.
Depuis 1994, date de la votation sur la LAMal, le corps électoral suisse a sans cesse été confronté à des projets d’étatisation complète du système de santé, en l’occurrence une caisse unique. Ce fut le cas en 1994, en 2003 et en 2007. Cela le sera une nouvelle fois cette année, en automne. Ces projets ont toujours été largement refusés par le peuple suisse dans de très larges proportions, soit par plus de 70% des votants. Les motifs de fond se ressemblent à chaque occasion: les citoyens suisses ne veulent pas d’une aventure qui anéantirait une partie du système de santé existant sans qu’il en perçoive un réel avantage. Cependant, ces projets unilatéraux s’accompagnent d’un effet pervers, ils nuisent et paralysent le climat de discussion entourant le système de santé. Ces démarches en faveur d’une caisse unique, de surcroît, sont basées sur un nombre incalculable de fausses allégations dirigées contre le système d’assurance en place. Les principales d’entre elles: des frais généraux hors contrôle, des salaires mirobolants, une chasse aux bons risques effrénée, le manque de transparence, des primes systématiquement plus élevées que les coûts qu’elles doivent couvrir.
Autant d’affirmations erronées, que les statistiques officielles contredisent. D’ailleurs, la population n’est pas dupe. Tout en étant critique, elle mesure bien la qualité des prestations que lui fournissent les fournisseurs de soins d’un côté, les assureurs-maladie de l’autre. A la grosse caisse, unique, centralisée et sans proximité aucune avec les gens, elle a toujours préféré la diversité et le libre-choix. D’autant que les réponses aux fausses allégations peuvent toutes être documentées: les frais généraux des assureurs représentent 5% de la dépense, les salaires moyens sont en-dessous de ceux de la fonction publique, employés et cadres y compris, les données nécessaires à la surveillance des assureurs sont accessibles à qui le veut, les primes ont évolué parallèlement aux coûts, chaque personne est assurée et a accès aux soins de base prescrits par la loi, les prestations sont remboursées dans les 10 jours, toutes les factures font l’objet d’une vérification rigoureuse permettant une réduction d’au moins 10% de la dépense, chaque année. Cela ne fonctionne donc pas si mal. Très bien même, surtout comparé aux systèmes de nos voisins, celui de la France entre autres. Il suffit de voir, depuis des mois maintenant, les manifestations de frontaliers que l’Etat français veut récupérer dans son système, à leur corps défendant.
Les seuls coûts de transition du système actuel vers une caisse unique se monteraient à quelque 2 milliards de francs et il faudrait 10 ans au moins pour que cette organisation centralisée soit opérationnelle et encore, sans aucune garantie de meilleure efficience. Avec une caisse unique, dont on ne connaît rien, ni son organisation, ni son mode de fonctionnement, ni sa méthode de calcul des primes, ni même son emplacement ou le statut de ses collaborateurs, nous allons à coup sûr vers une péjoration du système de santé en termes de prestations et d’approvisionnement. Les piliers fondamentaux du système que sont le libre choix du médecin, le libre choix de l’assureur, l’accès garanti aux prestations, la solidarité entre bien portants et malades et l’obligation d’assurance sont menacés ou disparaîtront.
Mais d’aussi bonne qualité soit-il, le système doit s’adapter sans cesse. La découverte de nouvelles maladies implique une innovation continue en matière de techniques médicales et de médicaments. Les besoins d’une population, croissante en nombre et en exigences, l’allongement des années de vie et son corollaire, le déséquilibre démographique où la proportion des plus âgés a crû, comparée aux effectifs des plus jeunes générations, sont des enjeux capitaux qui pèsent de tout leur poids sur le système de santé autant que sur celui des retraites, AVS et prévoyance professionnelle. Ce sont des problèmes de société incontournables auxquels il faut trouver une réponse à travers tout l’appareil social.
Nous sommes dans la situation enviable que notre système social est encore en équilibre et qu’il répond pleinement aux besoins. Nous en connaissons les défis futurs et les chemins pour les résoudre. Nous avons tout en mains pour surmonter les problèmes de manière pragmatique. Le conseiller fédéral Alain Berset le dit lui-même: «Accepter cette initiative serait une entaille majeure. Nous concentrons nos efforts pour améliorer le système actuel, notamment par une meilleure surveillance» (Freiburger Nachrichten, 21.12. 2013). Une démarche, à coup sûr, qui ne passe pas par une déstabilisation et une élimination totale de ses acquis. Ce que serait l’instauration d’une caisse unique!
En rejetant clairement ce projet, comme elle l’a toujours fait, la population suisse dégagerait le terrain en faveur d’un climat de discussion plus favorable et plus constructif. Tous ensemble, il s’agit de trouver les ajustements utiles et nécessaires afin de garder à notre système de santé ses qualités de base et reconnues comme telles par les principaux concernés, les patients et les assurés.
Yves Seydoux, Groupe Mutuel
Responsable de la communication