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Les exploitations agricoles familiales disparaissent peu à peu du paysage suisse et également partout dans le monde. Sous la pression du marché qui ne paie pas un juste prix à la production et malgré des aides considérables sous forme de paiements directs en Suisse, 4 à 5 exploitations mettent la clé sous le paillasson chaque jour. En une vingtaine d’années (1990 à 2012), les exploitations agricoles ont diminué de près de 40% et cette saignée devrait se poursuivre.
Les pertes des tissus sociaux dans les campagnes sont considérables! L’industrialisation de la production agricole par contre progresse: de plus en plus de travail agricole est assuré par des salarié-e-s. Les travailleurs et travailleuses agricoles, dernier maillon de la chaîne de production, pour moitié migrant-e-s, ont augmenté de près de 5% en terme de pourcentage de la population active dans l’agriculture (31'114 personnes en 2012, OFS). Les contrats saisonniers ont augmenté et les femmes représentent un nombre croissant d’actifs. Petite mains indispensables, l’agriculture industrielle demande une main-d’œuvre peu chère et à flux tendu partout dans le monde et ce avec des conditions de travail dignes du Moyen Âge.
En Suisse, les conditions de travail des travailleuses et travailleurs agricoles ne sont pas soumises à la Loi fédérale sur le Travail (LTr) qui couvre 95% des employé-e-s du secteur privé. Le Code des obligations (CO) intime les cantons à son article 359 d’édicter des contrats-types (CTT) pour les travailleurs agricoles et le service de maison. Ce sont donc 26 différents contrat-types de travail non contraignants qui ont vu le jour au fil des années dont les disparités sont flagrantes. Les chiffres pour 2013: de 45 heures de travail hebdomadaires (Genève) à 66 heures (Glaris) tout est possible, la majorité des cantons s’alignant sur un horaire de 55 heures. Les minimas salariaux bruts horaires oscillent entre 12 fr. 75 (Valais) et 17 fr. 50 (Genève), pour les salaires mensuels entre 3090 fr. (Jura) et 3320 fr. (Vaud). La majorité des cantons s’alignant sur les recommandations de l’USP (Union suisse des paysans) de 13 fr. 25/h et 3170 fr./mois.
Les travailleuses et travailleurs agricoles sont donc mal protégé-e-s et mal rémunéré-e-s!
Qu’en est-il de l’action et des revendications syndicales? Les syndicats SIT (Genève), l’autre syndicat (Vaud) et Unia (syndicat national) revendiquent régulièrement des améliorations substantielles des conditions de travail, un contrat-type de travail national contraignant ou un accord entre partenaires sociaux. Mais, faute d’un rapport de force favorable et d’un taux de syndicalisation significatif (principalement en Suisse allemande), ils butent sur la résistance des organisations agricoles qui refusent de se saisir sérieusement de ce dossier. Il est vrai que le travail syndical pour contacter les travailleuses et travailleurs concerné-e-s est semé d’embuches: travail saisonnier, contrôle social et pressions par les employeurs, présence syndicale sur le terrain indispensable, faible rentabilité immédiate par les cotisations syndicales rendent l’organisation syndicale difficile et demandent un volontarisme certain de la part des syndicats.
Dans les cantons de Genève et Vaud, quelques améliorations ont pu être obtenues. A Genève par exemple, l’autorité compétente, la CRCT (Chambre des relations collectives de travail) a baissé le temps de travail à 45 heures en moyenne annuelle dès 2013. Contesté par la Chambre agricole genevoise et 64 producteurs devant le Tribunal fédéral, celui-ci les a déboutés de leurs conclusions et validé la justesse des 45 heures hebdomadaires.
Qui est appelé à réagir? Les consommateurs-trices doivent élever leur voix et refuser par exemple l’importation de fruits et légumes produits dans des conditions sociales inadmissibles. Fraises et tomates en hiver sont contraires au bons sens, à tout point de vue.
La production agricole suisse doit bénéficier de justes prix afin d’offrir des conditions de travail décentes. La Suisse ne peut pas se permettre d’ignorer les conditions de travail moyenâgeuses des travailleuses et des travailleurs agricoles et les décideurs politiques doivent faire face à leurs responsabilités.
L’agriculture nous regarde toutes et tous. Si nous voulons des aliments de bonne qualité, nous devons aussi en payer le prix !
Philippe Sauvin, pour l’autre syndicat