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Juin 2013
Vivre est un métier
Auteur : Christiane Bonder

À l'image de la nature et des manifestations qui nous entourent, nos cheminements humains sur cette planète Terre ressemblent à un véritable cursus attestant notre compréhension de la vie. Vivre, c'est connaître l'avers et l'envers de la médaille, la pluie et le beau temps, l'histoire et ses siècles de sociétés jalonnées de courants bénéfiques autant que préjudiciables, c'est l'humanité contradictoire encore et toujours impliquée puisque capable de réflexion. C'est savoir peser le pour et le contre et en tirer des conclusions. Multiple par essence, la vie nous apprend que le tout est dans tout, tout étant relié, et que nos comportements ont des répercussions qui portent loin à la ronde. Si les humains sont aujourd'hui parvenus à un stade de confort et d'évolution technologique remarquable, pourquoi tant de haine, de violence, de mécontentement, de fermeture d'esprit ?

En ce début de millénaire encore tout chaud, si chaud qu'il en devient brûlant, nous atteignons un point crucial de notre histoire, une étape où la médaille bascule dangereusement vers sa face négative. Après Mai 68 et ses libertés dérangeantes, la femme à son tour aspirait à un statut de respect ardemment revendiqué. Ces mouvements justifiés ont cependant largement dépassé le cap du raisonnable en bouleversant des lois fondamentales, lesquelles, transgressées, produisent aujourd'hui des résultats pervers. Suite à ces effets à lente progression négative, l'informatique révolutionnaire a envahi le monde. Autre langage, autre manière d'appréhender la communication qui peut se qualifier de dictature informatique puisqu'elle s'impose à tout un chacun comme si l'homme était calqué sur un modèle unique. Celui qui n'adhère pas au système est tout simplement «déconnecté» de la société. Alors que les «révolutions» représentées par l'arrivée des chemins de fer, de la voiture, de l'aviation, du téléphone ou de la télévision, nous laissaient libres d'y souscrire ou pas, l'informatique et les divers gadgets qui en découlent soumettent les humains à un véritable esclavage. Tout devient sec, succinct, rapide et rationnel, impersonnel, la place pour une portion de rêve et de mystère relève de l'histoire ancienne, l'altruisme et le respect de l'autre dans ses différences n'est plus de mise.

Peut-on encore parler d'évolution quand une société ne vise que la course au profit, malmenant la planète et ses habitants? Pressés comme des citrons, les travailleurs sont convaincus de leur réussite sociale en mesurant leurs possessions: maison, voitures, voyages, télévisions, etc. Cercle vicieux en vérité, condamnant la femme à travailler pour un maigre profit et laissant aux crèches le soin d'assumer le rôle qui est le sien. L'engrenage est lancé emmenant les humains dans les pièges d'un mouvement aux conséquences irréversibles. Peu à peu, le mécontentement gagne en importance et la rébellion mobilise les forces de l'ordre. La répression est engagée contre tous ceux qui vont à l'encontre du rouage infernal: les laissés-pour-compte, les étrangers, les jeunes de familles éclatées-recomposées, ceux élevés comme des poulets et bousculés dès le berceau, les rêveurs, les créatifs aptes aux métiers d'un artisanat presque disparu, les chômeurs, ceux qui tendent la main, ceux qui sont à l'AI, à l'aide sociale… Triste constat que l'on noie dans les distractions, l'abus de drogue et d'alcool.

La fermeture d'esprit qui prévaut aujourd'hui n'augure rien de bon. Voyons ce que disait en 1977 déjà, Arnaud Desjardins:

« La loi naturelle veut que la femme porte en elle le futur bébé pendant neuf mois et qu'elle exerce ensuite un rôle décisif dans le développement du futur adulte, que ce futur adulte soit de sexe masculin ou féminin. Rendre difficile aux mères l'accomplissement de leur rôle équivaut à détruire une société, en ne donnant pas aux enfants les conditions indispensables à leur épanouissement. Notre société est actuellement menacée par des risques divers dont celui d'une catastrophe nucléaire, peu probable mais non impossible et dont la gravité serait terrifiante. Elle est menacée par tous les dangers dénoncés par les écologistes, même les plus sobres. Mais elle est aussi menacée de désintégration par l'intérieur, d'implosion pour reprendre le titre du remarquable ouvrage de Pierre Thuillier. Elle court le risque d'être minée par le découragement, le pessimisme, le manque de sens à l'existence, l'absence de perspectives pour le futur, la déstructuration psychologique… Je ne dis pas que tous les êtres humains sont également perturbés ou désemparés mais le phénomène est suffisamment répandu pour n'être plus considéré comme individuel. C'est un phénomène collectif qui relève plus de la sociologie que de la psychologie ».

 Arnaud Desjardins: Regards sages sur un monde fou. Éd. de La Table Ronde.

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