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Décembre 2012
ECOPOP: un brûlot xénophobe
Auteur : François Iselin
Les auteurs de l'initiative ECOPOP pratiquent, comme tout courant xénophobe avant eux, une démagogie aussi redoutable que mensongère. Ils s'approprient du terme d'écologie qui désigne pourtant l'amélioration des conditions de vie des êtres vivants, alors qu'ils veulent en réduire le nombre! Ils plastronnent aussi avec leur qualificatif populaire alors que leur projet va précisément à l'encontre des intérêts du peuple, premier visé par les mesures malthusiennes et eugénistes qu'ils préconisent. Comment ose-t-on proclamer une Suisse «basée sur le bonheur, sur la satisfaction des besoins»1 et vouloir la débarrasser d'un «excédent de 80'000 personnes [qui] s'installent chaque année»1?

Les initiants camouflent leurs mensonges par une litanie de slogans apaisants: «ECOPOP est politiquement neutre, humaniste, écologique et à caractère social»2. Elle serait «contre la xénophobie et le racisme», cela tout en voulant «limiter l'immigration nette en Suisse»2! Un comble! Comment comptent-ils s'y prendre pour épurer le pays des êtres humains qui l'habitent, rien «qu'une petite chose», d'après Roch1? Ils ne le disent pas, et pour cause, mais l'on imagine déjà se multiplier les arrestations, les emprisonnements arbitraires et les vols spéciaux par avions blindés dont la Confédération a le secret.

Mais pour l'association ECOPOP, les déportations ne suffiraient pas. Comme elle se prétend humanitaire et internationaliste, elle proclame vouloir «réduire la croissance dramatique de la population mondiale par le soutien de planning familial bénévole2». Là encore, on se demande de quoi ces eugénistes se mêlent et comment ils comptent s'y prendre autrement que par les méthodes pratiquées par leurs maîtres à tuer. Certes Roch admet à propos du planning familial, contraint, «que la méthode chinoise était un peu brutale1». Mais qu'importe la méthode pourvu que la race suisse soit sauve.

Fort habilement, les initiants ne disent mot sur les responsables des maux qu'ils prétendent vouloir éradiquer. C'est pourtant simple: un état fédéral qui applique sciemment, depuis un demi-siècle, la politique du «laisser-faire, laisser-aller» a permis aux grandes entreprises privées de dévaster l'environnement sans être gênés le moins du monde.

Serait-ce la population en Suisse «excédentaire» qui en porterait la responsabilité? Elle dont le pouvoir de décision est réduit comme peau de chagrin, elle qui sous la férule du patronat est contrainte de dégrader l'environnement, produire de l'inutile et de gaspiller des ressources pour survivre? Non, la seule responsabilité incombe à cette petite minorité «excédentaire» de nantis cupides qui dilapide le patrimoine historique, urbain et naturel, pour son seul profit. Qui les en empêcherait?

La Confédération et les cantons ont pour mission constitutionnelle d'œuvrer «à l'établissement d'un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l'être humain»3? Or que font-ils ? Ils réduisent le nombre de leurs fonctionnaires au nom d'un «moins d'État», ils les déqualifient, les rendant inaptes à examiner les projets de la ploutocratie régnante. Soumis aux pressions et manipulations des entrepreneurs, ils dérogent aux principes de protection du patrimoine public, de l'environnement et des ressources naturelles qu'ils se sont donnés. Ils sont incapables d'accomplir la mission pour laquelle la population les a mandatés et les finance. Ainsi, honteux, ils démissionnent et délèguent leurs tâches au secteur privé qui n'attend que cela.

Les problèmes évoqués par ECOPOP viennent de la démission des services de l'État. Le bilan est effectivement catastrophique, mais nullement attribuable à une quelconque «surpopulation». Bien au contraire, c'est cette «surpopulation» qui fait vivre les Suisses, les enrichit et les protège. Quant à la tarte à la crème de la «barque est pleine», parlons-en. Certes la Banque est pleine, la coupe est pleine, mais le territoire ne manque que de la place qui a été squattée par le capital pour d'autres fonctions que l'habitation, l'agriculture et l'accueil de qui voudra s'y installer. Tous les centres urbains, jadis pourvus de nombreux logements, de magasins de proximité, d'ateliers artisanaux ont été transformés en souks à fringues, en succursales de banques ou en boutiques de luxe, dans un but purement spéculatif, voire de blanchiment d'argent sale.

Sous la pression des puissants trusts de l'industrie automobile et du pétrole, d'autres immenses surfaces cultivables ont été enfouies sous des pistes bitumées, parsemées de stations-service et de parkings. Toutes les surfaces périurbaines de Suisse ont été appropriées illégalement par les spéculateurs et les bétonneurs, sous prétexte de répondre à la «demande de logements». De fait, ils n'ont fait que les renchérir, engorger le trafic, multiplier les infrastructures et surtout détruire le peu qui reste des ressources agricoles. Quant au patrimoine alpestre, d'autres requins l'ont accaparé pour leur profit en multipliant les routes d'accès, les lits froids, les canons à neige et autres lupanars alpestres.

Alors, que faisiez-vous, Monsieur Philippe Roch, lorsque, en tant que haut fonctionnaire et ancien directeur de l'Office fédéral de l'environnement, vous aviez la responsabilité de résoudre les problèmes dont vous vous lamentez maintenant qu'ils ne le soient?

Messieurs les ECOPOP, vous n'êtes ni écologistes, ni populaires, mais soit de lamentables démagogues, soit de prétentieux ignorants. Détrompez-vous. La barque helvétique ne sombrera pas d'être trop pleine, mais parce que, fourvoyée par l'État censé la conduire à bon port, elle est à la merci de la piraterie financière qui n'attend qu'à la saborder. Avec votre complicité, s'entend.


1 Interview de Philippe Roch dans Le Temps du 3.11.2012.

2 Site d'ECOPOP.

3 Constitution fédérale de la Confédération, art. 73 Développement durable, 11.3.2012.


L'État est comme le corps humain. Toutes les fonctions qu'il accomplit ne sont pas nobles.

Anatole France


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