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Décembre 2012
La dégringolade de l’État
Auteur : André Babey

Peut-il exister quelque part dans notre société une considération positive et optimiste sur les capacités des États à établir de l'harmonie entre les citoyens? L'âge heureux de la démocratie, que le bon sens commun pensait pouvoir atteindre un jour, n'est plus qu'un ramassis d'intérêts économiques et financiers accaparés par des individus avides de pouvoir.

En Suisse, le déclin sérieux et continu de l'État commence par une poussée de fièvre autour de la pensée unique défendue par la droite: le «moins d'État», il y a plus de 30 ans. En Angleterre, Thatcher et son action néolibérale fleurissait de concert avec la grande politique de privatisation de Reagan.

L'État peut être légal mais il n'est légitime que lorsque, à la tête de la nation, il reste l'arbitre qui garantit la justice et ajuste l'intérêt général aux libertés particulières.
— Albert Camus

Depuis, la poussée de fièvre contre l'État a eu des émules dans les États occidentaux avec le même slogan partout: moins d'impôts. Et cela a marché grâce à la passivité de la gauche sociale-démocrate qui a volontairement laissé au vestiaire ses repères précis de lutte pour la justice et pour la répartition des richesses.

Cette gauche-là, à force de louvoyer avec le capitalisme devenu la source de son salut, a laissé le champ libre au néolibéralisme qui soumet l'État au Marché. C'est une histoire tragique de la démocratie que les dirigeants politiques ont abandonnée aux pouvoirs des multinationales et des boursicoteurs. Un conseiller fédéral, vers les années 2000, a eu cette petite phrase en conférence de presse: «C'est le marché qui décide». Mais pourquoi restait-il au Conseil fédéral? Celui-ci était-il devenu un Conseil d'administration? Pourquoi ses collègues n'ont-ils pas démenti?

Nous sommes une nation où les intérêts supérieurs de l'État s'arrêtent aux frontières des intérêts inférieurs des particuliers.
— Jean Amadou

Le sentiment populaire d'impuissance à l'égard des autorités apparaît toujours plus répandu lors de mes rencontres dans la rue avec les citoyens. Pusillanimes, nos autorités craignent plus pour les riches que pour les pauvres. Le riche pèse tellement sur le pouvoir politique que le pauvre est devenu inexistant et gênant. Car ce dernier coûte et obère le budget de l'État et pourtant de si peu par rapport à toutes les baisses importantes d'impôt de ces dernières années en faveur des revenus et fortunes des couches aisées de la population.

La cagnotte de l'État n'est plus alimentée pour favoriser les tâches sociales, l'enseignement, la formation professionnelle. On laisse les pauvres et les petits, les familles modestes, les élèves en difficultés scolaire au bon vouloir des bénévoles et de la charité. Justice effective envolée pour le grand plaisir des néolibéraux! Le bénévolat est devenu le must de la droite pour combler sa rapacité.

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