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De l'enfantine, peu de souvenirs: la maîtresse avait des poils au menton – comme la tante Louise que je devais embrasser malgré cela. De plus, elle nous racontait l'histoire de Pinocchio qui me terrorisait; j'avais beau me boucher les oreilles, j'entendais tout de même… brr.
A la rue Pierre-Viret, il y avait une ravissante école – désaffectée actuellement. Ce furent deux annéesdebonheur avec un tout jeune maître (Monsieur Pache) qui nous manifestait sa sympathie réconfortante dans les bons et les mauvais moments! Il était toujours intéressant, à l'inverse d'un autre Monsieur Pache à St Roch pour la dernière année d'école primaire: sévère, gros et fort, redoutable par ses coups de règle sur la pointe de nos doigts offerts au supplice bien malgré nous. Il avait la hantise de l'école secondaire, une perdition à laquelle il refusait de nous préparer par crainte de nous y voir corrompus à jamais.
Je fus donc réparé à l'examen d'entrée au Collège classique cantonal par un oncle retraité, un enchantement avec réussite à la clé et la passion d'écouter Squibs à la radio nous reporter les matchs de foot – y compris un 4 à 2 Suisse-Allemagne à Paris en 1938 où, pour la première fois, certains supporters suisses firent sonner les cloches de vache. Un triomphe!
Au CCC (sic) du Valentin, avec vue sur le marché qui s'y tenait les mercredis et samedis matin décrits par C.-F. Ramuz dans Découvertes du monde, ce fut très exactement cela; avec en plus la rencontre inattendue d'un cousin du même âge et une amitié définitive scellée par le fait que pendant six ans nous avons occupé côte à côte un banc de bois caractéristique de l'époque.
Malgré quelques ennuis de santé mineurs mais tenaces dès ma 12e année, ces années d'école secondaire furent pour moi trèsheureuses jusqu'àl'âge de 16 ans, mêmesi après deux années passées dans cet endroit idyllique du Valentin, nous avons déménagé au collège beaucoup moins pittoresque de Béthusy où deux de nos camarades statufiés nous accueillaient chaque matin et après-midi à la porte, avec cette belle devise: Porta tibipatet et magis cor (la porte t'est ouverte et davantage le cœur) – et ce fut le cas à de rares exceptions près.Nous avons eu des maîtres intéressants et qui savaient nous intéresser car ils avaient manifestement plaisir à le faire, une grâce pour nous!
Malheureusement, tout a une fin et notre volée tomba sur un quatuor de maîtres des branches principalesvieillis avant l'âge, aigris, mis au rancard – c'était la coutume àl'époque et le terme utilisé au Gymnase de la Cité où nous nous sommes ennuyés pendant deux ans. Deux exceptions: 1) le maître de mathématiques qui m'a carrément enthousiasmé; c'était un ancien ingénieur à Saint-Petersbourg qui avait dirigéles travaux d'installation des tramways de la ville, reconverti par force àl'enseignement; 2) le maître de biologie qui avait commencé sa carrière comme instituteur; c'était un passionné de biologie, un enseignant-né; il avait de plus, et cela nous charmait, un accent vaudois du terroir très pur.
Puis ce fut Belles-Lettres la bien nommée dèslepremier semestre universitaire; il y en eut six autres, tous plus intéressants les uns que les autres, qui aboutirent à mon diplôme de médecin suisse, mais surtout à la rencontre de l'épouse de ma vie. Mais, comme le dit Kipling, «cela est une autre histoire».