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Le pacifisme intégral est un idéal généreux et profondément respectable. En se gardant d'utiliser des expressions outrageantes comme « pacifisme bêlant », le pacifisme révèle cependant ses limites.
Les armes ne sont que des outils, d'un degré technologique plus ou moins avancé, entre les mains des hommes. Elles peuvent être des instruments de conquête, de domination, d'asservissement. A contrario, elles peuvent être des instruments visant à la libération des hommes. Faut-il jeter l'opprobre sur la révolte de Spartacus contre le pouvoir esclavagiste romain, la résistance des Camisards protestants contre l'intolérance autocratique louis-quatorzième, la rébellion algérienne contre le colonialisme français, du seul fait que tous ces sursauts de l'humanité outragée recoururent aux armes ou encore sur l'énorme effort militaire tout particulièrement de l'Armée rouge, pour écraser le nazisme ?
Sans doute l'application des méthodes de résistance non-violente a-t-elle été, dans certaines situations historiques, efficace. L'extraordinaire force spirituelle du Mahatma Gandhi a permis la décolonisation sans heurts des Indes (sinon les massacres qui accompagnèrent la Partition). Son disciple Martin Luther King a obtenu, grâce à elle, la fin de la ségrégation raciale avilissante en Alabama ou au Tennessee. N'est-ce pas, en revanche, s'illusionner que de croire pouvoir abattre le nazisme et le totalitarisme belliciste par les seules méthodes de la non-violence ?
La libération par les armes, certes, ne garantit pas ipso facto le triomphe de la démocratie! Les armes et armées ne sont que des instruments et des structures: les réponses aux problèmes des sociétés humaines ne sauraient être que politiques. Cependant la phase militaire apparaît hélas dans certains cas comme un préalable nécessaire.
Les buts du GSsA sont de «faire avancer la cause de la paix sur la terre» et le «vivre ensemble solidaire pacifique et constructif». Là-dessus, nous sommes en plein accord. Nous divergeons quant aux moyens d'atteindre ces objectifs généreux. Pour le pacifisme intégral, les armes, outils au service de la violence, ne peuvent engendrer à leur tour que la violence, dans une spirale meurtrière sans fin. Pour ma part, je crains les illusions engendrées par l'angélisme. Et j'estime que, sous contrôle démocratique d'institutions nationales ou internationales, les armées peuvent servir à maintenir ou à promouvoir la paix. Le métier des armes a peut-être trouvé dans ce nouvel usage sa véritable noblesse.
Or la suppression de l'armée suisse est l'objectif prioritaire du GSsA, comme son appellation même l'indique. Cet objectif n'est-il pas en contradiction avec (…) une défense nationale populaire, aux structures démocratiques, indépendante des alliances politico-militaires telles l'OTAN, non atomique, et fonctionnant à un coût non exorbitant? Certes, la situation actuelle n'est plus celle qui prévalait à l'époque de la guerre froide: la division du monde en deux blocs antagonistes. Mais l'on ne saurait préjuger d'un avenir par définition incertain et s'interdire a priori toute défense du territoire, de la neutralité et des libertés suisses. Par ailleurs, notre armée pourrait se voir investie d'une tâche nouvelle: celle de participer, par des contingents de volontaires dûment formés, à des missions de maintien de la paix, et en particulier de protection de populations civiles menacées? Missions non exclusives par ailleurs d'initiatives diplomatiques et de médiation où la Suisse, si elle le voulait, excellerait. Je n'occulte pas la difficulté de jauger la légitimité d'une intervention militaire: cette difficulté de l'appréciation politique ne saurait nous entraîner, aux côtés de l'UDC blochérienne, vers le repli sur une Suisse isolationniste et égoïste.
Je soutiens donc l’existence d'une armée suisse au service des valeurs démocratiques et de la paix. Et pour conclure, songeons au mot de Pascal: « La force sans la justice est tyrannique. La justice sans la force est impuissante ».