Journal L'Essor
Dr. Max-Henri Béguin

Le docteur Max-Henri Béguin

À l'occasion du centenaire de la naissance du docteur Max-Henri Béguin,
la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds lui consacre une exposition
(21 novembre 2018 au 30 mars 2019). Allez la voir… elle en vaut la peine !

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Le samedi 24 novembre, le public était aussi invité à venir entendre quelques témoignages
faisant revivre la mémoire de cet homme de convictions qu'était le Dr. Béguin.
Nous saluons cette commémoration en publiant ici les quatre allocutions prononcées…

Pierre-Ami Béguin   |   Renée Hachem Béguin   |   Claude Gacond   |   Jean-Claude Perrinjaquet

Max-Henri Béguin et le Service civil international
par M. Jean-Claude Perrinjaquet
ancien secrétaire du Service civil international

Mesdames et Messieurs,

Comme nous avons pu l’entendre jusqu’ici, Max-Henri Béguin était un homme aux multiples convictions, qui respectait non seulement les humains mais aussi tout le monde du vivant. Ce qui l’a conduit à pratiquer la non-violence dans les nombreuses luttes qu’il a conduites avec d’autres militant-e-s (ou activistes comme on dit aujourd’hui).

Pacifiste et objecteur, luttant depuis 1937 pour l’introduction d’un service civil de remplacement pour ceux qui ne voulaient pas servir dans l’armée, il a mené ce combat spécifique durant près de 60 ans, puisque le service civil pour ceux qui souhaitent servir leur pays autrement qu’en soldat entrera en vigueur en 1996 !

En effet, dans la vitrine n° 3, en 1937, Max-Henri se déclare antimilitariste et après avoir fait son ER, en toute connaissance de cause, il décide de ne pas continuer dans cette voie et refuse de se rendre à nouveau au service militaire à l’occasion de la MOB. Ce qui le conduit à être condamné en 1941 à 9 mois de pénitencier, puis par la suite à refuser chaque année le paiement de la taxe militaire et celui de l’impôt de défense nationale.

À la clef, de nombreuses saisies par l’Office des Poursuites, mais aussi de nombreuses plaidoiries devant le juge civil, ce qui lui donne l’occasion d’aborder de nombreux thèmes. En voici quelques-uns, relevés dans ses plaidoiries, cités dans le désordre :

Mais Max-Henri Béguin ne se complaisait pas dans le refus de servir dans l’armée. Il souhaitait s’engager d’une autre façon pour servir son prochain, raison pour laquelle en 1945, il s’annonce comme bénévole au Service civil international.

Pour rappel, cette organisation a été créée par Pierre Ceresole et ses amis pacifistes en 1919-1920, qui après la boucherie de la « Grande guerre », veulent « remplacer le service de guerre par un service constructif ». Ce service devrait être une alternative au service militaire pour ceux qui refusent de servir par les armes. C’est ainsi que le SCI organisera en octobre 1920 à Esne-sur-Verdun le premier chantier de son histoire afin de témoigner que des volontaires, même issus d’ex-pays belligérants, étaient en mesure de collaborer dans un esprit de réconciliation et de paix à un projet commun, dans ce lieu hautement symbolique.

Le frère de Pierre Ceresole, le colonel Ernest Ceresole était aussi de la partie et fut par la suite souvent précieux dans les chantiers organisés en Suisse dans les premières années du Service civil international pour convaincre l’armée de mettre à disposition du matériel lors d’intervention en cas de catastrophes naturelles en région de montagnes, mais non sans peine parfois ! (Voir anecdote*).

Personnellement je considère que tout au long de son parcours de vie, Max-Henri a toujours fait sienne la divise du SCI : « Pas de paroles, des actes ». Ce qui l’a amené parfois, comme dans tout combat de désobéissance civile, à enfreindre lois et règles en vigueur et à en payer le prix.

Au Service civil international, diplôme de médecin en poche, Max-Henri Béguin peut ainsi prouver sa bonne volonté en passant deux ans au service des enfants de Sarrebruck, de 1946 à 1947.

Ce projet organisé par le SCI, est soutenu en particulier financièrement par le Don Suisse et se déroulera du 26 décembre 1945 au 28 avril 1948. Après les ravages de la guerre et les nombreux bombardements de la ville, il s’agit de distribution aux plus démunis de vêtements, de souliers, d’alimentation, de charbon… De construction de baraquements, de l’organisation d’une garderie d’enfants pour que les enfants reçoivent un vrai repas journalier, de l’engagement d’un cordonnier pour les réparations de souliers. Une petite anecdote : le groupe reçoit un jour un chargement de poires de la part de producteurs du coin. Celui-ci est transformé en jus vitaminés pour les enfants, « avec l’aide de 3 prisonniers de guerre ».

Concernant la contribution de Max-Henri durant son service, dans les archives du SCI déposées à la bibliothèque de La Chaux-de-Fonds, la semaine dernière, j’ai trouvé dans le dossier « Sarrebruck » les éléments suivants :

SCI, 06.01.-31.10.46 : Soins aux enfants en matinée à la clinique infantile de l’hôpital de Sarrebruck et organisation d’une consultation de policlinique l’après-midi.

SCI, rapport 27.02.46 : MHB signe pour le départ « d’une certaine Andrée ».

Selon un rapport de Fridolin Trüb de novembre 1946, l’épouse de Max-Henri, Violette, est présente du 18 septembre au 4 novembre. Le matin, elle participe aux travaux à la cuisine et seconde Max-Henri à la policlinique l’après-midi. (Ensuite Max-Henri part pour Lausanne afin de passer son examen fédéral de médecin ???).

SCI, rapport janvier 1947 : Le 5 janvier, Violette et MHB sont de retour et prennent leur logement.

SCI, 18.04.47 : On trouve une dédicace à l’intention de Fridolin Trüb qui quitte le chantier, signée par les volontaires du moment, entre autres par Violette et MHB.

Il y a aussi aux archives du SCI une brochure publicitaire éditée par la ville de Sarrebruck en janvier-février 1987, qui contient un long récit de ce projet qui est extrait du rapport final de Fridolin Trüb de 1949.

Après son service à Sarrebruck, Max-Henri Béguin restera un fidèle membre du SCI, dont il fit partie quelques années du comité et le représentera au Conseil suisse des Associations pour la paix. Il participera encore à un chantier en 1996 à Albinen/VS. Puis de 1970 à 1977, il entreprendra chaque année l’organisation d’un chantier de volontaires du Service civil international pour la construction du mur de pierres sèches longeant le site du Creux-du-Van, de même qu’avec l’aide d’autres groupes qui viendront lui prêter main-forte.

Des liens forts unissaient aussi Max-Henri Béguin avec ses amis du service civil de la région. En cas d’urgence, dans l’un ou l’autre de ses combats, il les sollicitait le soir ou le samedi pour un coup de main. Je me souviens par exemple d’avoir pelleter la neige qui envahissait un local à l’intérieur de la ferme qui allait devenir le Musée Paysan ou fait des travaux de nettoyage, de débarras et de préparation de chantier dans celle qui deviendra le Restaurant de La Cheminée. (Anecdote de la ferme des Arbres ?).

Voilà, Mesdames et Messieurs quelques éléments concernant les relations de Max-Henri et du Service civil international. Pour terminer permettez-moi de citer le début du contenu de la fiche établie par la Police fédérale pour Max-Henri Béguin (vous vous souvenez certainement de « l’affaire des fiches »), fiche figurant dans la vitrine n° 3 (traduction libre de l’allemand): « 1943 — Compte rendu de la police cantonale neuchâteloise concernant les positions communistes de Béguin: il n’a pas été constaté d’activités illégales. Béguin est connu au Locle comme un fantasque (!) ».

En guise de conclusion, je crois que dans le monde de plus en plus mondialisé et déshumanisé dans lequel nous vivons, nous n’aurions qu’à nous réjouir si de plus en plus de « fantasques » comme Max-Henri Béguin se manifestaient afin de nous rappeler à notre devoir d’humanité.

Je vous remercie de votre attention.

– Jean-Claude Perrinjaquet

 


Anecdote. Sur conseil de Philippe, j’ai épluché aux archives SCI le dossier « Santa Maria,1934-1936 » pour y chercher la participation de MHB. Rien trouvé. Par contre une perle concernant le DMF, qui jusque-là mettait volontiers du matériel à disposition.

Pour ce chantier où il s’agissait de déblayer les lieux suite à un débordement de torrent et de creuser un canal de dérivation afin d’éviter pareil évènement à l’avenir, des démarches ont été faites auprès du DMF (CF Minder), avec l’appui du colonel Ceresole, pour l’obtention de matériel (pelles, pioches, etc.).

La réponse fut : « Les outils du département militaire ne peuvent être mis à disposition que si les travaux sont entrepris pas des citoyens suisses ».

Condition inacceptable pour le SCI, il fallut trouver une autre solution pour les outils.