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Adolescent-e, de quoi rêviez-vous? Qu’est-ce qui, selon vous à l’époque, allait vous rendre heureux? Posez-vous la question et si par chance vous vous en rappelez: est-ce que ça a marché? Avez-vous atteint le bonheur?
Je ne parle pas ici d’avoir été – peut-être – épargné par les aléas de la vie que sont les accidents, les pertes, les trahisons, les séparations et les soucis en tous genres. Je parle au contraire d’un état de bonheur plus profond, plus fondamentalement lié à soi et qui continuerait de vous habiter en dépit de tout ça. En dépit même de changements drastiques autour de nous, comme ceux provoqués par la pandémie actuelle (dont nous ne parlerons pas ici!). Certes personne n’évite, à termes, l’entrée dans la vieillesse, éventuellement la maladie et de toute façon, la mort. Et plusieurs d’entre nous savons déjà que la jeunesse, la gloire, la richesse, les relations amoureuses ou toutes autres sources extérieures dont on attendrait le bonheur ne nous garantissent pas celui-ci. Alors quoi? Notre expérience de vie acquise nous aide à savoir ce que le bonheur n’est pas, nous évite peut-être de retomber dans d’anciennes ornières, mais ne nous dit pas pour autant ce qu’il est, ni comment l’atteindre.
Comprendre ce qui, dans la vie, rend les gens heureux
Quand bien même on aura côtoyé les philosophes ou les gourous du bonheur en argent ou en pilules, on n’en saura pas forcément plus. Alors quid? Quelqu’un, quelque part, a-t-il de manière vraiment neutre étudié la question? A-t-on cherché à comprendre ce qui, dans la vie, rend les gens heureux? Et si cette recherche a été faite, a-t-on trouvé un dénominateur commun de ce qui donne un sens à l’existence? Si oui, il serait urgent de le faire savoir, ne pensez-vous pas?
En fait, il existe bien un psychologue qui s’est attelé à cette tâche, en y consacrant depuis les années 1970 plus de vingt ans de sa carrière. J’ai lu son bouquin, fin des années 90. Sa recherche, inscrite dans le courant de la psychologie positive, elle-même issue de la psychologie humaniste des Rogers, Maslow et autres visait à préciser les conditions du bonheur dans la vie quotidienne. La nouveauté et la force de ce psychologue – appelons-le de son seul prénom Mihaly, parce que son nom de famille est imprononçable! – est d’avoir éclairé cette question grâce à une approche scientifique expérimentale: la «méthode d’échantillonnage des expériences subjectives». En utilisant de petites montres bracelets qui sonnaient au hasard, il a récolté et étudié pendant près de vingt ans ce que faisaient, à quoi pensaient et ce que ressentaient les êtres humains dans les différentes activités de leur existence. Au passage, il a confirmé ce que les grandes traditions orientales du bouddhisme et du taoïsme nous avait déjà appris: le bonheur vient de la poursuite du chemin, en soi, pas de la destination. Quiconque fait régulièrement du jogging ou a marché jusqu’à Compostelle n’hésitera pas à vous le confirmer. Mais la poursuite du chemin est un art. Sa principale conclusion: le bonheur découle de la prise en main de cette fantastique source d’énergie psychique qu’est notre attention. Une attention optimale.
Un contenu très instructif
Il nous encourage à reprendre le contrôle de notre expérience consciente, comme le prônaient déjà Aristote, Ignace de Loyola, Marx ou Freud: cesser d’être soumis aux aléas de l’existence, à ce que la nature ou la société des hommes tentent de nous imposer… que ce soit l’instinct animal (le «ça», de Freud), les règles de la culture dans laquelle nous vivons (le «surmoi») ou l’asservissement à la volonté des puissants, pour choisir sa propre voie et la suivre d’une manière attentive.
D’origine hongroise, né en Croatie en 1934, enfant durant la Seconde Guerre mondiale, devenu psychologue, Mihaly a publié en 1990 le résultat de ses 25 ans de recherches. Le titre original de son best-seller est «Flow. The psychology of optimal experience» (traduit en français par «Vivre, la psychologie du bonheur», ce qui dénature totalement le titre original). Quel que soit la langue dans laquelle cet ouvrage a été traduit ou le titre dont on l’aura affublé dans l'une ou l'autre traduction, son contenu reste très instructif. Il détaille et explique ce qui, dans notre expérience quotidienne, est de nature à nous rendre vraiment heureux.
Il y est notamment question, de manière très abordable, de la qualité de l’expérience vécue, du fonctionnement de la conscience, des caractéristiques de l’expérience optimale, des activités et des personnalités autotéliques. Mihaly nous emmène ensuite à réfléchir à nos expériences optimales, qu’elles aient été vécues par le corps ou par l’esprit. On aborde avec lui le paradoxe travail-loisirs (les possibilités et les risques de nos occupations), la solitude et les relations avec autrui (l’affiliation, la solitude, pénible ou apprivoisée, l’expérience optimale en famille, les relations amicales, l’ouverture à la communauté), la victoire sur le chaos (la transformation des tragédies, l’affrontement du stress, le pouvoir des structures dissipatives) et toutes ces choses qui fournissent un sens à la vie.
Les années passent, les gens de tous âges continuent d’être à la recherche du bonheur mais tous n’y parviennent pas. Les personnes âgées qui s’en sortent le mieux en ce moment et dont le bonheur est resté inattaqué en ce beau printemps 2020 (qu’elles soient bien portantes ou non) sont celles qui choisissent intelligemment à quoi elles consacrent leur énergie psychique. Couler avec le «flow» implique d’accepter la réalité, certes, mais n’exige pas de renoncer à avancer sur notre propre chemin. Par exemple, pendant ce confinement temporaire. Continuer d'avancer: une simple question de sens.
La situation actuelle m’a donné envie de relire le livre de mon "ami" Mihaly et de le partager avec vous: ça tombe bien, j’avais le temps!