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Même avec un esprit critique, il convient de réaffirmer que l’AVS perfectible, est une institution remarquable. Tous les Suisses y sont profondément attachés. Les revenus du travail y sont tous taxés au même pourcentage, qu’il s’agisse de celui du PDG de l’UBS ou de celui de son concierge. Lorsque des femmes doivent quitter leur profession pour élever leurs enfants, elles bénéficient d’un bonus éducatif. Unique au monde. Le versement de la rente est automatique. Il faut toutefois ne pas oublier de la demander.
Le peuple suisse, déjà saturé de la propagande des milieux financiers, libéraux et conservateurs, a soutenu cette création à plus de 80% en juin 1947. C’est aussi à de très fortes majorités qu’il a, dans les «années Tschudi», voté des améliorations successives importantes. Hélas les trente glorieuses ont été assassinées par Madame Thatcher, Monsieur Reagan et tous nos supporters du moins d’Etat. Dès lors, plus question de viser un verre plein. Il s’agit de le vider et de le remplacer par les 2e et 3e piliers, lesquels permettent de juteux bénéfices à ceux qui payent leurs campagnes électorales.
La moitié vide
Depuis juin 1947, la Constitution fédérale, à son article 112, affirme: «Les rentes doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée». Or, voilà 70 ans que cette disposition n’est pas appliquée. 70 ans qu’il faut compter sur le 2e pilier, sur les prestations complémentaires, sur les politiques sociales des cantons et des communes aux moyens limités pour que les aînés puissent passer une vieillesse à peu près digne dans un des pays les plus riches de monde, mais aussi dans l’un des plus inégalitaires.
La plus grande tromperie
Dans l’esprit de presque tous, il existe cette conviction que tous les revenus, comme pour l’impôt, sont soumis à l’AVS, tant les gros que les petits. Non, n’y sont soumis que les revenus du travail qui ne représentent qu’environ 55% du produit intérieur brut. L’autre moitié, soit les revenus du capital pour faire simple, n’y sont pas soumis. En 2016, sur les 42,5 milliards de recettes, les revenus du travail ont rapporté presque 31 milliards.
Imaginons donc, qu’enfin, tous les revenus soient soumis à l’AVS, sur le même principe que l’impôt: on doublerait presque ces 31 milliards. Toutes les pingreries exigées par la droite du Parlement n’auraient plus lieu d’être. Cette exigence ne semble pas être exagérée. Que les revenus obtenus sans rien faire puissent être taxés comme les revenus de ceux qui travaillent dur, cela ne me paraît pas être une exigence exagérée.
Il faut tout de suite penser au succès que pourrait rencontrer une telle proposition. Cela signifie que mon ami qui a réussi à déposer 20.000 francs d’épargne à sa banque devrait aussi passer «à la caisse». Ces 20.000 francs à 0.125% d’intérêt lui rapporterait 25 francs et lui coûterait environ 2 fr.50 à verser à l’AVS pour une année. Dès lors il n’hésiterait probablement pas à militer avec tous ceux qui ne vivent que du revenu de leur fortune. L’enfumage sur ces questions est permanent. S’opposerait-il à cette bonne idée? Les milieux financiers, cachés derrière un comité bidon, parleraient d’une augmentation inadmissible du nombre des fonctionnaires, d’une nouvelle usine à gaz, d’un encouragement à la déresponsabilité individuelle, d’un découragement de l’épargne, etc. Pour toutes les propositions qui développent la solidarité, nous entendons toujours les mêmes «rengaines».
Cette revendication de l’AVIVO vise à faire de l’AVS une institution qui respecte enfin la Constitution, qui assure son financement sur l’ensemble des revenus des citoyens et citoyennes de ce pays. Pourquoi seulement sur le dos de ceux qui travaillent? Cette proposition doit être mise sur la table de ceux qui s’attellent à assurer l’avenir de notre prévoyance vieillesse.
Pierre Aguet
Ancien conseiller national