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Le Conseil fédéral dans ses diverses mesures prises pour cerner la contagion au coronavirus depuis le 13 mars 2020 me démontre que, contrairement à la plupart des nations de ce monde, nous avons la chance d’être gouvernés par une élite politique vraiment au service du peuple et non au service de la carrière publique personnelle de ses membres. C’est rassurant et typiquement suisse. Un peu de fierté quand même, ça fait du bien au moral en ces temps inquiétants!
Conséquences sur la durée
Il y a cependant un «hic». Si toutes ces mesures se justifiaient pleinement pour éviter une concentration ingérable de grands malades du Covid-19 dans nos hôpitaux au pic des contagions, il est temps de réfléchir à ce que ces mesures auront pour conséquences sur la durée. Parmi les catégories de population les plus vulnérables, il y a nos personnes âgées.
On ne confine pas sans risque majeur une personne âgée chez elle, souvent seule mais encore valide et capable de gérer sa vie, mais dont l’équilibre émotionnel tient plus à ses petites habitudes journalières, comme sortir un peu de chez soi et voir ses petits-enfants, qu’à un plan général «pandémie».
La conséquence première de cette situation d’enfermement sans visites, sans rencontres hors du domicile est un billet aller simple vers la mort, car de cette vie-là ils n’en veulent plus. Ce ne sont pas les généreux bénévoles qui apportent ici ou là les denrées de première nécessité à domicile (magnifiques initiatives par ailleurs!) qui suffisent à remplir une existence digne de ce nom. Je ne veux pas cautionner cet état de fait.
En fin de compte, aurons-nous plus de morts dus au coronavirus ou au désespoir de nos anciens oubliés? Toute la réflexion à faire par nos autorités est là en ce moment précis. Il est encore temps avant que cela ne soit une hécatombe à domicile, sans lien avec le virus. Il en va de même pour les usagers des maisons de retraite condamnés à la solitude dans leur chambre car plus d’activités collectives, plus de sorties accompagnées à l’extérieur de l’EMS en ce radieux printemps, plus de visites familiales, plus de repas pris en commun. Une prison c’est moins pire… puisqu’un jour on en sort.
J’ai mal à nos vieux
Alors je propose qu’on laisse à partir du mois de mai les personnes à la retraite libres de leurs mouvements, avec les mesures d’hygiène et de distanciation indispensables et un masque à l’appui. Laissez-leur donc le plaisir de s’asseoir sur un banc au soleil du matin, et réchauffer leurs vieux corps dans un lieu public, pour qu’ils ne se sentent plus des laissés-pour-compte dans leur quartier, comme c’est le cas depuis des semaines. Pour ceux qui sont encore bien actifs, de se promener plus loin, de prendre en charge leurs petits-enfants en observant les mesures d’hygiène strictes (dans ces cas on pourrait leur imposer les masques renforcés). Surtout que les autorités ne craignent pas les rassemblements de plus de 5 personnes âgées dans les espaces publics, ni la proximité entre elles, qui est le mode de vie des jeunes.
Nos hôpitaux sont très bien équipés et les services au point; il y a de la place pour tous. Au début de la propagation du virus en Suisse, le Conseil fédéral craignait un afflux de malades sans pouvoir les soigner tous; grâce aux premières mesures strictes, nous avons évité ça, mais maintenant que le pic est passé, on peut lâcher du lest. Il n’y a plus de nécessité de confiner les plus de 65 ans.
Il faut être pragmatique
De toute façon, il faut être pragmatique et s’attendre à ce que le virus frappe encore longtemps dans le monde et en Suisse, tant que ne s’instaure pas l’immunité collective, c’est-à-dire une résistance biologique à l’échelle du pays contre le virus.
Le vaccin tant attendu viendra bien trop tard pour nos personnes âgées en souffrance aujourd’hui et depuis le début mars. Et s’il marche comme le vaccin de la grippe, il ne représentera pas la fin de l’épidémie. Or c’est un fait: comme la grippe chaque année (aussi dangereuse pour les personnes âgées lorsque le vaccin n’est pas dans la cible du virus muté), le Covid-19 va certainement muter aussi et pourrait continuer à le faire sans limite.
Un jour ou l’autre, il faudra bien se confronter tous à ce virus. Il est là et il y restera. Commençons par «libérer» les plus vulnérables sur le plan émotionnel, par respect pour nos parents et grands-parents, oncles et tantes, voisins et voisines esseulés.
Les personnes de plus de 65 ans n’ont plus d’autre avenir devant eux que l’instant présent et un petit peu plus. Offrons-leur une fin de vie décente. Pour tout le reste de la population, ce sera un souvenir parmi d’autres d’une vie riche et bien remplie. Leur vie est devant eux, leur force d’adaptation est bien meilleure, malgré les grandes préoccupations sociales qui découlent déjà de cette pandémie.
Myriam Drandic-Longet
Cet article a été rédigé
au début du mois de mai 2020.