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Je vous écris du fond de ma caverne, je suis l'ancêtre, la vieille de service. Etant donné que j'ai toute ma tête, malgré mon soi-disant grand âge, mes petits neurones sont bien huilés et les connexions de mon cerveau aussi, j'ai donc le privilège et la chance de pouvoir analyser à ma manière la situation dans laquelle nous baignons actuellement.
Et pourtant, lorsque j'allume la télé, lis les journaux ou écoute les infos à la radio, on pourrait croire que je suis complètement gaga. Sorte de vieux débris inutile à mettre sous tutelle par ces deux stars, ces hommes qui crèvent l'écran presque tous les soirs. Je veux parler de ce monsieur qui nous Berce d'illusions, qui nous serine jour après jour une chose et son contraire. Et puis, d'un second, qui bien qu'il ne porte pas sa blouse blanche de médecin, nous entretient comme si nous étions déjà tous gravement malades. J'ai franchement l'impression d'être dans un film bien connu dans lequel Jack Nicholson tenait le rôle principal dans «Vol au-dessus d'un nid de coucous». Certes, nous savons tous qu'il y a une pandémie. Et nous savons tous également que l'on ne sait rien ou pas encore grand-chose sur elle. Mais est-ce une raison pour nous infantiliser lorsque l'on s'adresse aux citoyens de cette nation qui est, me semble-t-il, éduquée et qui possède au moins un neurone actif. Finalement, lorsque j'entends certains propos, j'éclate de rire!
Nous avons affaire à un virus invisible. Pas possible! Et depuis quand les virus sont-ils visibles? L'ennemi est invisible… Ah oui? Alors, comment peut-on lutter efficacement et terrasser cet ennemi que l'on ne voit pas, que l'on n'identifie pas, dont on ignore qui il est, d'où il vient et où il va? Et si l'on ne sait pas comment le combattre, comment le soigner, l'éradiquer et pour finir comment s'en protéger par un vaccin que l'on n'a pas, de quoi est-il question au juste? Sans parler du scandale du manque de masques, de matériel hospitalier de protection, de produits anesthésiants, de personnel soignant. N'aurait-on pas pu s'adresser franchement aux contribuables que nous sommes et, d'appeler un chat un chat? Faire preuve d'humilité et de nous dire dès le début que l'on ne sait pas grand-chose sur cette pandémie. Pourquoi avoir pris la décision de nous conseiller de nous confiner? Pour nous protéger de cet ennemi redoutable ou pour éviter l'afflux de patients aux urgences? A vrai dire, en peu de mots, devant le manque de matériel, de moyens d'accueil et de personnel soignant, on a préféré assigner à domicile toute une population.
La Suisse n'est pas unique dans ce cas. Pratiquement tous les pays européens ont fait de même. Alors que si nous avions disposé de suffisamment de masques, il n'y avait aucune raison de nous confiner à domicile de manière volontaire ou de force comme en Italie et en France. Si bien que le coronavirus aura fait sans aucun doute des ravages dans les familles. Comment a-t-on pu laisser croire que les jeunes enfants étaient vecteurs de la maladie? Que les jeunes ne craignaient rien? Que les «vieux» étaient fragiles, menacés. Durant près de deux mois, les enfants ont été séparés de leurs parents, et les petits-enfants privés de leurs grands-parents. Et toute la population privée de leurs amis. Sans parler des commerces qui trépassent dans le secret et dont bientôt nous découvrirons avec stupeur l’ampleur de ce désastre.
Alors du haut de mes 72 ans, je pose la question: qui peut décréter que je suis vieille? Et d'ailleurs à quel moment devient-on vieux? Certainement pas en fonction de mon âge. Seul mon médecin connaît mon dossier médical et lui seul peut me dire si mon état de santé est bon ou mauvais. Si je suis une personne à risque ou pas. Et, ensuite, moi seule peux décider si je suis prête à prendre des risques en connaissance de cause. Monter une génération contre une autre, et stigmatiser une tranche d'âge, cela s'appelle de la discrimination, et cela est interdit par la constitution dans l’article 8:
1) Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.
2) Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.
On retrouve le même article dans la Convention universelle des droits de l'homme que la Suisse a ratifiée en son temps.
Et pour en finir sur quelques-unes de mes réflexions sur ce sujet brûlant, on a inventé un mot qui n'existe pas dans la langue française, le mot «déconfinement» pour nous faire miroiter la sortie prochaine de notre isolement social et physique. Serait-ce un leurre? Durant des siècles on a utilisé la peur pour obliger les peuples à accepter l'inacceptable, serait-ce le cas encore aujourd'hui?
Comment se fait-il que les premiers petits commerces, tel que les coiffeurs aient obtenu l’autorisation d’ouvrir, pour un début de retour à la vie normale? J’ai ma petite idée là-dessus. Jusque-là, certes, ils étaient restés fermés et les femmes ont laissé pousser leurs cheveux et quelques racines blanches. Nouvelle coiffure imposée pour certaines, sans plus en dehors du fait de se sentir quelque peu négligées. Mais les hommes, ceux qui passent à la télé sont très soucieux de leur image et il fallait bien que les salons rouvrent sinon ils auraient fini par ressembler au Professeur Raoult avec leurs cheveux longs. Et pourquoi les tatoueurs ont-ils eu le droit d’ouvrir le 27 avril en même temps que les salons de coiffure? Je méconnaissais totalement leur utilité indispensable et le rôle qu’ils pouvaient bien jouer dans notre vie de tous les jours. C’est probablement parce que je n’ai jamais eu recours à leurs services que j’ignore tout sur ce besoin de la société dans ce domaine. Au moins, le coronavirus m’aura éclairée sur ce sujet.
Et puis, je n'aime pas du tout cette idée de me faire pister par l'entremise de mon téléphone portable, même au nom du coronavirus. Et si cela était mis en vigueur grâce à la 5G et quelques nostalgiques de la dictature, je m'en débarrasserais aussitôt. Cela ne fera qu'un déchet de plus! Jusqu'à ce jour, seules les personnes soupçonnées de délit faisaient l'objet de ce genre de surveillance. Et tant que l'on ne m'aura pas expliqué quel crime j'ai commis, je ne vois pas pourquoi j'accepterais d'être pistée, suivie, tracée dans mes déplacements. Je revendique d'avoir encore et toujours un semblant de liberté. Je refuse d'être tenue en laisse par un bracelet électronique. Reste à gérer la «déconfiture» de l’après-confinement du point de vue de l'économie… bonjour les dégâts! Il se trouve que le mot «déconfiture» existe dans le dictionnaire.
© 2020, Emilie Salamin-Amar