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Associer aide au développement et défense des intérêts de la Suisse est déjà en lui-même tout un programme qui en cache beaucoup d’autres. Il y a belle lurette que l’image d’Epinal de notre pays s’est construit sur la générosité de ses habitants, le siège de la Croix-Rouge et l’ensemble de ses bons offices auprès de toutes les causes humanitaires. Même si la démarche est gratifiante, elle ne doit pas servir de feuille de vigne aux agissements des entreprises suisses et étrangères siégeant dans notre pays.
Celles-ci se comportent trop souvent comme de grossiers prédateurs, jouant des bonnes conditions générales d’ici pour mieux exploiter et polluer ailleurs. Depuis plusieurs années, les budgets d’aide au développement se conjuguent avec politique et intérêts économiques, au détriment des causes humanitaires, perdues pour les affaires. Notre ministre actuel, Ignasio Cassis, a clairement signifié que l’aide au développement devait davantage servir les intérêts de la Suisse. À ses yeux, promouvoir la croissance économique, lutter contre le changement climatique et réduire la migration sont ses priorités. Par contre, la réduction de la pauvreté, la paix et la démocratie ne sont que parties congrues. Ainsi les fonds en baisse chaque année atteignent à peine 0.44% de notre PNB, alors qu’elle était à 0.46% en 2017, c’est-à-dire bien moins que le taux de 0.5 prévu au départ et octroyé en 2015 et 16, mais toujours loin des 0.7 % demandés par les instances internationales. D’autre part, les coûts de l’asile y sont inclus et l’on peut craindre que d’autres subventions, à l’exportation ou autres, y entrent aussi par la bande.
D’autre part, la logique d’austérité sur les fonds et le management du personnel humanitaire encourage à chercher des réciprocités, des ouvertures de marché, des conditions de migrations profitables essentiellement pour notre camp. Par la presse, nous découvrons que les conditions de travail dans les grandes agences de la coopération internationale se péjorent de plus en plus pour le personnel sur le terrain. On lui demande de faire quantités de rapports, essentiellement portés sur la bonne gestion bureaucratique et comptable, la tenue du calendrier, pour mieux capter des fonds et perpétuer la représentation institutionnelle. Par contre, l’étude sur l’amélioration de la qualité de vie des populations n’est que très rarement demandé. Au mieux, les mêmes personnes qui ont participé au projet doivent rendre des comptes qui ressemblent fort à un examen de leur propre engagement, sans avoir le recul d’une ou deux années au minimum et le temps nécessaire. Il est évident que leur désir de stabilité et de réussite professionnelle se fera au détriment de questionnements éthiques et de résultats trop souvent discutables.
L’Afrique regorge d’équipements en perdition, de projets délaissés, de panneaux rouillés à la gloire d’ONG, d’agences internationales. Selon certaines observations, on compte un taux d’échec proche de 70%, parfois jusqu’à 90% avec des infrastructures d’eau, des écoles, des jardins, des maternités qui tombent en ruine quelques semaines ou quelques mois après leurs constructions. Il est clair que le système d’évaluation est à géométrie très variable, suivant l’angle de vue de départ, en termes d’impact, de viabilité et surtout de pérennité. Il est aussi observé que les populations concernées hésitent à exprimer clairement leurs opinions, par souci d’être mal perçus, de ne plus recevoir d’autres aides. Il est aussi constaté que l’aide au développement attire logiquement des professionnels locaux qualifiés au détriment de la fonction publique, les salaires étant assurés, avec le prestige qui l’accompagne. Il est aussi à noter qu’entre le salaire d’un responsable expatrié européen et son agent de terrain qui lui sert de médiateur, le multiple est de 100…
Le sujet est vaste, les questionnements nombreux. Notre aide au développement est impératif, déjà par simple reconnaissance pour les immenses profits que les pays concernés nous apportent par les matières premières ou mille autres produits qu’ils nous fournissent, malheureusement dans des conditions qui n’améliorent pas leur qualité de vie. Maintenant il serait judicieux d’adapter notre manière d’appréhender notre approche de l’aide, en collant à la priorité des terrains respectifs, à l’abri de considérations politiques trop souvent prédatrices. Demander, sur place à la population, leurs véritables besoins et s’y soumettre semble élémentaire, sans nuire à leur propre engagement citoyen qui peut se mobiliser par lui-même, sans lui faire courir le risque de devenir passive. Enfin, l’aide au développement ne doit pas être un terrain d’expérimentations ni un outil de politique économique intérieur. C’est le moins que nous puissions exiger d’un pays qui se dit développé et à composante humanitaire.
Edith Samba