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Nous vivons une période importante de l’histoire de l’humanité. L’égalité des sexes progresse par à-coups. Les syndicats suisses, cette année, mettent en exergue le combat pour l’égalité des salaires femmes/hommes. La municipalité de Lausanne engage une action remarquée contre le harcèlement de rue. D’innombrables femmes osent enfin dénoncer des viols ou des attouchements détestables subis jusqu’ici en toute discrétion. Dès lors, je ne peux m’empêcher d’inviter tous ceux et celles qui se réjouissent de «cette accélération de l’histoire», à lire le livre d’Olivia Gazalé, sorti en septembre 2017 chez Robert Laffont: Le mythe de la virilité.
Voilà une somme d’analyses et d’informations absolument considérables. Des centaines de références à des auteurs, chercheurs, écrivains, statisticiens, cinéastes au masculin et au féminin sont proposées. Les papes, les hommes d’église, les penseurs depuis l’antiquité jusqu’au 21e siècle, tous ceux et celles qui ont contribué à façonner ou à combattre ce mythe, figurent dans l’ouvrage au point de donner l’idée que la liste est exhaustive. Ce mythe de la virilité est présenté comme un piège.
Nous apprenons, par exemple, qu’au cours de la très longue période de la préhistoire, la femme était vénérée parce que capable de donner la vie. Ce miracle était digne de toutes les prévenances. Ce n’est que lorsque l’humanité, devenant sédentaire, comprit le rôle du mâle dans la procréation, que ce dernier soumit la femme à son rôle de sujet, de réceptacle de son sperme devenu presque sacré, pour le moins essentiel et précieux, qu’il s’imposât comme un tyran, voire un esclavagiste.
Au cours des derniers millénaires, on ne compte plus les affirmations selon lesquelles les femmes sont inférieures en force physique, en intelligence, incapables de penser, de combattre, d’imaginer à long terme, etc. Les citations sont nombreuses. Elles méritent, pour en rire ou en pleurer, d’être rappelées. Nous apprenons aussi que des hommes aussi géniaux et révolutionnaires que Rousseau ou Kant considéraient, eux aussi, les femmes comme largement inférieures aux hommes.
Ce livre est publié 70 ans après le célèbre pamphlet, plusieurs fois cité, de Simone de Beauvoir: Le deuxième sexe. Il me semble en avoir le même poids. Il mérite la même audience. Il n’hésite pas à prendre en compte la fragilité masculine. Elle découle du fait que cet homme maîtrise tout, sauf précisément sa virilité. Cela l’oblige à «en rajouter». Il prend aussi en compte l’évolution sociologique qui a suivi le fait que, depuis les années 50, les femmes ont enfin osé prendre la parole et démontré très souvent, leur supériorité intellectuelle. Il souligne aussi le fait que pendant la Première Guerre mondiale, toute l’économie a été assumée par les femmes, les hommes subissant l’horrible boucherie que l’on sait. Dès lors, la preuve était faite qu’elles pouvaient assumer toutes les tâches qui leur étaient refusées jusque-là. Cependant, le droit de vote en France, ne leur a été accordé qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Dans sa conclusion, Olivia Gazalé affirme que la réinvention de la paternité, plus douce et plus attentive à l’évolution des enfants, ne constitue pas un déclin, mais une chance pour l’humanité. Elle n’annonce pas la fin des hommes mais l’enthousiasmante naissance d’une nouvelle masculinité, condition indispensable d’un meilleur équilibre des relations entre les sexes.
Pierre Aguet