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L’automobile, grande émettrice de CO2, nous enferme dans une bulle, hors de tous contacts. Des villes tentaculaires lui ont vendu leur âme. Plus vite, plus loin, il nous faut être toujours plus mobiles… elle fait donc une coupable idéale! À l’opposé, les motoristes soupçonnent les écolos de vouloir en revenir aux chars à bœufs. Pourtant, décroissance n’est pas synonyme de retour-à-zéro. N’y a-t-il aucun compromis?
Et pourquoi pas le partage de voitures? Cette pratique plus décroissante qu’il n’y paraît peut-elle répondre à des besoins modernes de mobilité? Après tout, quand j'ai besoin d'un verre de lait, je n’achète pas une vache! Quand j'ai besoin de me déplacer, pourquoi devrais-je posséder ma propre voiture?
Nous avions donc quelques questions sur cette pratique qui va à l’encontre du dogme de la propriété personnelle. Une collaboratrice de la coopérative Mobility, a bien voulu y répondre.
Le partage de voitures, c’est quoi?
Marion B. – Le partage de voitures (ou carsharing), c’est plusieurs personnes qui mettent des moyens en commun pour partager un ou plusieurs véhicules. En libre-service, 24 heures sur 24, vous avez ainsi l’usage d’une voiture pour quelques heures ou plus, mais sans la posséder.
Les voitures privées restent inutilisées 95 % du temps! Une voiture partagée est pendant ce temps à disposition d’autres utilisateurs. Globalement, ça requiert nettement moins de voitures pour un même nombre de kilomètres parcourus. Et les usagers font des économies… Voilà ce qu’est le partage de voitures. Comme vous le voyez, il se distingue du covoiturage, où l’on fait ensemble un même trajet au même moment.
Le partage de voitures est-il courant?
Il existe en Suisse une grande coopérative à cet effet. Il s’agit de Mobility carsharing (www.mobility.ch) pour laquelle je travaille. À fin 2014, Mobility mettait à disposition 2700 véhicules et comptait 120'000 clients (parmi lesquels 40% de membres coopérateurs avec droit de vote). Si on compare ce chiffre avec le nombre de personnes titulaires d'un permis de conduire, cela représente en Suisse une personne sur 50.
En plus de notre coopérative, il existe aussi d'autres systèmes de partage de voitures, par exemple 2em.ch ou Sharoo, qui vient d'arriver en Suisse romande à l'été 2015. À la différence de Mobility, ces systèmes permettent aux propriétaires de voitures privées de mettre leur propre véhicule à disposition d’autres personnes, moyennant paiement. Je ne connais pas les chiffres actuels de ces deux services mais leurs sites web indiquent aussi que l’offre de véhicules à disposition s’étoffe.
Mais on parle toujours de voitures, où est la décroissance là-dedans?
En offrant une alternative à la voiture privée, le partage permet à certaines personnes de renoncer à en acheter une. Selon les sondages effectués auprès de nos membres, nous estimons chez Mobility que chacune de nos voitures partagées permet d'éviter l'achat de 9 voitures privées. À fin 2014, cela représentait 27'600 voitures économisées sur toute la Suisse et autant de places de parc. Ou encore 20’500 tonnes de CO2 ou 8,8 millions de litres de carburant. Bien sûr, ça ne saute pas aux yeux en comparaison des 4,4 millions de voitures immatriculées en Suisse… mais c'est déjà ça !
Comme ce colibri qui fait des allers-retours pour déverser un peu d’eau sur un feu de forêt…
Il fait sa part, c’est déjà bien! Et le partage de voitures n'en est qu'à ses débuts. Des spécialistes de l'université du Michigan estiment jusqu'à 40 % le potentiel de réduction du nombre de voitures privées. Voilà qui ferait une véritable différence, non?
En effet. Mais s'il s'agit uniquement de réduire le nombre de voitures fabriquées pour parcourir les mêmes kilomètres, cela ne réduira pas les embouteillages…
Si. La différence s'observe aussi à ce niveau, car les partageurs diminuent aussi leurs trajets en voiture au profit des transports publics et de la mobilité douce. C'est plus facile de prendre le train si on n'a pas une voiture devant la maison qui, en plus, nous a déjà coûté cher! Les usagers de Mobility pratiquent volontiers la mobilité combinée.
En attendant la disparition de 40% des voitures privées, quelles sont les perspectives du partage, à moyen terme?
De plus en plus d'entreprises et de collectivités partagent des véhicules. Je trouve ce développement très réjouissant pour plusieurs raisons. D'abord pour son exemplarité: une entreprise qui passe au partage de voitures, c'est tous ses employés qui découvrent la simplicité du système. Ensuite, ça laisse réellement le choix aux employés concernant leurs déplacements privés. J'ai rencontré des personnes qui étaient très ennuyées de devoir utiliser leur voiture privée dans le cadre de leur profession car cela les obligeait à avoir deux voitures pour la famille. Le partage par l'entreprise, c'est tout de suite des voitures en moins. Enfin, quand les collectivités publiques (communes, cantons et Confédération) passent au partage, elles cessent d'utiliser l'argent public, notre argent, pour subventionner les véhicules privés de leurs employés.
Merci de ces explications. Et pour conclure,
comment voyez-vous l'avenir: croissance ou décroissance?
Il me semble que nous nous dirigeons vers une économie de fonctionnalité, en cherchant de plus en plus à utiliser un objet sans l'acheter. Le prêt, le partage ou la location se développent, et pas seulement pour les voitures! Une perceuse, un four à raclette, ça se partage bien aussi. Cela demande un peu d'organisation, certes, mais on peut atteindre une décroissance sensible sans perdre trop de confort. Chacun restant libre aussi de préférer la marche à pied…