Mal de Terre
Hubert Reeves et Frédéric Lenoir, Seuil, 2005
Dans l'essor n° 5 de 2010, Rémy Cosandey évoque le problème, probablement le plus grave – en dehors d'une guerre nucléaire – auquel l'humanité est confrontée aujourd'hui, à savoir que la planète se déglingue du fait de la croissance économique et dans l'indifférence des dirigeants politiques.
Cette question est le thème du livre de l'astrophysicien Hubert Reeves intitulé «Mal de Terre». Dans ce livre, il dialogue avec le sociologue et philosophe Frédéric Lenoir pour essayer de comprendre comment on en est arrivé là et ce qu'il y aurait lieu de faire pour que la Terre reste habitable pour les générations futures. Hubert Reeves a une connaissance très étendue et précise de l'état de la planète. Il passe en revue les problèmes de surpopulation, de perte de biodiversité, l'extinction rapide d'espèces animales, la pollution, l'empoisonnement radioactif et chimique des eaux, de l'air et des sols, les dangers imprévisibles liés aux manipulations génétiques. Même l'espace proche de la Terre est pollué par une ceinture de débris résultant des vols spatiaux. Au plan social, Reeves voit le terrorisme comme une conséquence de la pauvreté et de l'injustice. «Tout l'état d'esprit politique doit être modifié en profondeur si on veut éviter le naufrage».
Hubert Reeves place son espoir dans la prise de conscience et l'intérêt croissant des citoyens pour la cause de la planète. Il conclut par cette question pressante: «La crise planétaire contemporaine prendra-t-elle fin grâce à l'action déterminée des Terriens ou par leur disparition? La balle est encore (mais pour combien de temps?) dans notre camp».
Si le livre de d'Hubert Reeves est très bien documenté, il ne va pas assez loin, à mon avis, dans la mise en cause du système économico-politique actuel, dominé par la recherche du profit et la compétition. Ce système a malheureusement envahi la Terre entière ou presque. Contrairement à Castoriadis et Goldsmith, il n'envisage pas un retour à des sociétés de subsistance et des économies de proximité. Cela est pourtant le mode de vie le mieux adapté à notre biosphère qu'il faut voir comme un tout organique ne comprenant ni environnement ni ressources. Le mode de fonctionnement en cycles fermés est une nécessité incontournable dans notre monde fini et c'est bien le but à atteindre, si possible avant que le monde économico-industriel ne s'effondre sous le poids de ses propres contradictions.