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Il y a 50 ans, le 21 août 1968, les armées du Pacte de Varsovie (pacte militaire entre l’URSS et ses satellites) déferlaient sur la Tchécoslovaquie pour y écraser le processus connu sous le nom de «Printemps de Prague». Elles venaient non pour défendre le socialisme, mais pour l’écraser.
Une crise politique avait débuté en octobre 1967 au sein du Parti communiste tchécoslovaque (PCT). 20 ans après la prise du pouvoir, les difficultés s’accumulaient: bilan économique catastrophique, imitation servile du modèle «soviétique», question nationale slovaque, conflits entre l’appareil du parti et les intellectuels ainsi que de la jeunesse, persistance des méthodes héritées des procès truqués des années 1950.
Le vieux stalinien Antonin Novotny fut remplacé à la tête du PCT (janvier 1968) par Alexander Dubcek et à la tête de l’Etat (avril 1968) par le général Ludvik Svoboda. Mais le processus ne se limita pas à changer quelques personnalités: des secteurs importants de la population (y compris au sein du PCT) remirent en cause le prétendu modèle «soviétique» du socialisme. Un processus vu avec inquiétude par la caste bureaucratique au pouvoir en URSS, qui décida rapidement d’y mettre fin.
Les textes publiés lors de rencontres entre les directions des partis (de faux-) frères et du PCT (mars-juillet 1968) illustrent les divergences existantes (Pourquoi Prague?). Mais jusqu’à l’invasion (et même jusqu’au remplacement de Dubcek par Gustav Husak, en avril 1969), une majorité des dirigeants du PCT crurent possible de construire «le socialisme ‘à visage humain’ dans un seul pays». Ils ont payé cher cette illusion.
Pourtant, plusieurs militants tchécoslovaques avaient vu clair à ce propos: «Nous ne mettons pas le socialisme en danger. Bien au contraire. Nous mettons en danger la bureaucratie qui est en train, lentement mais sûrement, d’enterrer le socialisme à l’échelle du monde. Et c’est pourquoi nous ne pouvons pas nous attendre à la coopération et à la compréhension fraternelle de la bureaucratie» (Jiří Hochman, «Le luxe des illusions», Reportér, no 31, 31.7.1968).
L’invasion rencontra une forte résistance: «le refus des ouvriers de l’imprimerie de publier les proclamations et la presse de l’occupant, la complicité de toute une population pour cacher les militants menacés, pour égarer et désorienter les forces armées des envahisseurs, l’extraordinaire propagande pour inquiéter, démoraliser, désintégrer les troupes de l’occupation par l’emploi combiné de démonstration de force, d’argumentation politique et d’humour, le courage déployé dans les manifestations de rue conduites sous les tourelles des chars» (Le printemps des peuples…). Le 14e congrès extraordinaire du PCT fut convoqué et put délibérer au nez et à la barbe des occupants (Le congrès clandestin).
Un recueil, La crise tchécoslovaque 1967-1970 dans les documents du CC du PCUS*, (2010), signale que, le 25.2.1969, le BP du PCUS exigea le report de la loi tchécoslovaque sur les entreprises légalisant les conseils ouvriers. Un message, le 5.3.1969, affirme que «c’est le danger de gauche qui est le danger principal dans les réunions, en particulier celles des associations professionnelles des intellectuels, dans les congrès de branche des syndicats et dans les médias». «Le rejet absolu des conseils de travailleurs est ainsi une des pièces centrales du modèle de prétendu socialisme dont les Tchécoslovaques ont voulu se libérer en 1968-1969» (solidaritéS, no 332, 23.8.2018).
Avec l’implosion ultérieure dudit «camp socialiste avec l’Union Soviétique à sa tête» (formule consacrée des années 1950), ce point semble oublié. Ce n’est pas par hasard.
Hans-Peter Renk
«Le lundi 3 décembre [1979] s’est éteint à Prague le Dr Frantisek Kriegel. Vieux communiste, internationaliste qui avait combattu en Espagne et en Chine et aidé la révolution cubaine dans ses premières années, il fut, en août 1968, le seul des quatre dirigeants du PCT emmenés à Moscou à refuser de contresigner l’accord sur l’occupation de son pays par l’URSS. Exclu du parti en 1969, animateur de la Charte 77, il était l’une de ces figures qui symbolisent le courage et la détermination contre la normalisation bureaucratique» (Procès à Prague).
En 2014, une majorité du Conseil d’arrondissement de Prague 2 a osé lui donner le coup de pied de l’âne! Michal Uhl (conseiller municipal Vert) avait proposé de décerner à Kriegel la citoyenneté d’honneur. Proposition refusée par la droite: «Kriegel était communiste et il avait du sang sur les mains», ce second point étant faux.
Frantisek Kriegel, incorrigible communiste ou heros du printemps de Prague ?
À lire en ligne, ici
Gérard de Sède (Ed.), Pourquoi Prague?, Paris, Publications Premières et Tallandier, 1968.
Pierre Broué, Le printemps des peuples commence à Prague: essai sur la révolution politique en Europe de l’Est. Paris, La Vérité, 1969.
Jiri Pelikan (Ed.), Le Congrès clandestin: protocole secret et documents du 14e congrès extraordinaire du P.C. tchécoslovaque. Paris, Seuil, 1970.
Pierre Broué (Ed.), Reportér et Politika: écrits à Prague sous la censure (août 1968-juin 1969). Paris, Etudes et documentation internationales, 1973.
Jiri Pelikan (Ed.), Ici Prague: l’opposition intérieure parle. Paris, Seuil, 1973.
Jean-Pierre Faye & Vladimir Claude Fišera (Ed.), Prague: la révolution des conseils ouvriers, 1968-1969, Paris, Seghers/Laffont, 1978.
Petr Uhl, Le socialisme emprisonné: une alternative socialiste à la normalisation. Paris, Stock 2, La Brèche, 1980.
Procès à Prague: le V.O.N.S, comité de défense des personnes injustement poursuivies, devant ses juges: 22-23 octobre 1979. Paris, F. Maspero, 1980.