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Loin d’être un débat théorique, la relation hommes-femmes interroge et traverse toutes les cultures et les populations. Cela est d’autant plus vrai lorsque les femmes sont suspectées de soumission du fait de leur origine culturelle, leur appartenance religieuse ou leur tenue vestimentaire.
Elles font alors face à un double défi. Surmonter les difficultés de l’égalité des droits, notamment dans l’accès à l’emploi et l’alignement des salaires, d’une part. Et d’autre part, démontrer au quotidien que leurs choix culturels ou religieux ne sont pas – intrinsèquement – un obstacle à l’amélioration de la condition de la femme. Cela amène parfois des femmes à redoubler d’efforts pour convaincre que leur tenue vestimentaire, par exemple, ne préjuge pas de leur dynamisme professionnel et de leur action pour l’égalité des droits. Ce «délit vestimentaire » s’accompagne d’un florilège de préjugés, plus ou moins acerbes, selon la période et l’origine culturelle. C’est ainsi qu’un morceau de tissu devient pour un certain public, à la fois le symbole de la soumission de la femme, le porte-étendard de revendications politiques et un signe distinctif communautariste. Comment accorder des droits d’égalité à des femmes qui choisissent – apparemment – de s’en priver?
Plus globalement, l’amélioration de la relation hommes-femmes passe par un savant dosage d’éducation et de législation.
La législation est nécessaire pour fixer un cadre, une ligne directrice et une incitation vertueuse. Nécessaire mais insuffisante, puisque malgré l’article 8 de la Constitution fédérale, les différences de salaire persistent, par exemple. Expliquer en permanence, et dès le plus jeune âge, les droits et les devoirs, l’égalité professionnelle et éducative et responsabiliser chacun. Responsabiliser sans culpabiliser. Il faut démontrer que les différences entre les hommes et les femmes sont une richesse dans l’entreprise, et dans les plus hautes fonctions managériales notamment.
Les qualités «féminines», qui soit dit en passant, ne sont pas toujours la propriété exclusive des femmes, sont un atout pour un management plus humain et donc plus efficace, des structures économiques, politiques ou associatives. Constater une différence de salaire pour un travail identique, entre les hommes et les femmes, est un scandale en soi, et il faut le considérer comme tel. Mais il faut affiner ce triste bilan. Dans quelle catégorie socioprofessionnelle les discriminations sont-elles les plus importantes? Quelle classe d’âge est-elle la plus touchée? Les femmes étrangères ou d’origine étrangère sont-elles concernées au même titre que les autochtones? Dans quel domaine d’activité ce phénomène est-il le plus perceptible? En dressant un bilan géographique, observe- t-on les mêmes écarts de salaire dans tous les cantons?
L’analyse fine de cette situation conduira à personnaliser les solutions. Elles seront juridiques et contraignantes dans certains cas, pédagogiques et co-construites dans d’autres. Fixer des quotas de représentativité des femmes dans les diverses instances publiques et dans les partis politiques est une solution adéquate. Augmenter cette contrainte par l’application de fortes pénalités pour les organisations récalcitrantes donne un signal clair de la direction prise. L’oeuvre pédagogique consiste à mettre en avant les «bons élèves», associations, entreprises, institutions. Organiser des workshop et des témoignages pour expliquer les bénéfices de l’égalité. Développer le mentoring de jeunes diplômées par des marraines expérimentées, impliquer les hommes concernés par ces combats dans des actions communes de sensibilisation.
Enfin, j’affirme avec force que cette bataille n’est pas dirigée contre l’homme, ce n’est pas une guerre des sexes. Il s’agit au contraire d’un combat commun de l’homme et de la femme, contre une ségrégation sociétale, tout aussi injuste que les ségrégations raciales ou religieuses.
C’est l’affaire de chacune et chacun d’entre nous. Nous y arriverons ensemble.
Nadia Karmous
Présidente de l’Association culturelle
des femmes musulmanes de Suisse