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Comme Maeva, Justine Ruchat a 25 ans. Elle a suivi l’école de théâtre Lassaad à Bruxelles et fait un master en Arts du spectacle à l’université de Louvain la Neuve. En collaboration avec Patrick Mohr, elle a adapté le roman El Dorado de Laurent Gaudé pour la scène, est assistante de mise en scène pour ce spectacle et y tient un rôle. Ce roman traite de la question des vagues de réfugiés qui tentent de venir en Europe.
Bernard Walter
J’ai l’impression qu’il y a deux approches. D’un côté la vie individuelle, moi à mon échelle, chacun à son échelle. Et puis sur un autre plan, le monde à grande échelle, à l’échelle de la politique mondiale. La réponse est plus évidente à l’échelle individuelle, où je peux bien voir ce qui se passe autour de moi, dans la rue, ma relation avec les gens. Aujourd’hui, je vois qu’Internet et les réseaux prennent beaucoup de place. Chacun est un peu confiné dans son rayon, et cela se passe beaucoup sur un plan virtuel. On est un petit peu tout seul dans notre coin derrière notre ordinateur.
Bon, moi j’ai le théâtre, et là, les gens se déplacent encore pour aller voir d’autres gens. C’est un réseau où il y a de vrais échanges entre gens qui vont voir des spectacles et réfléchissent… enfin, ça c’est ma vie personnelle.
Après, sur le plan politique, je ne sais pas trop, je m’informe assez peu, je suis assez loin des médias en général. Par protection je crois, sinon ça m’énerve trop, ça me touche beaucoup, et j’ai l’impression qu’il y a tellement à faire partout que je ne sais pas vraiment par où commencer la lutte, enfin, l’engagement pour quelque chose de meilleur. Il y a tant à faire sur tous les plans que c’en est tétanisant. Si on regarde le rapport à l’autre, à l’étranger, le rapport aux femmes aussi, il y a beaucoup de batailles pour une seule vie. Donc je reste un peu en dehors de tout ça. Ce que je vis d’abord, c’est le rapport direct que j’ai avec les gens dans la rue, à la boulangerie, lors d’une soirée avec mon entourage. Ramener quelqu’un à la maison après une soirée, dépanner dans le train une fille qui a des problèmes de billet... pour moi, faire quelque chose pour le monde passe par des actes très concrets. Entretenir des relations aux gens que je rencontre et les écouter, aller au delà de «bonjour au revoir», c’est comme un programme politique, si l’on veut.
Et puis plus loin, ce monde, il va être comment?
Au delà des problèmes politiques et des bagarres humaines, j’ai un gros souci, c’est la question écologique. La question de la nature, et de l’espace de la nature qui diminue toujours plus, c’est l’impression que j’ai. Dans vingt ans? Ce n’est pas tellement loin, ça ne va peut-être pas changer beaucoup. Mais il y a beaucoup de gens qui ne se sentent pas très bien dans ce monde et qui tentent de faire autre chose, qui créent un autre rapport au travail et qui veulent trouver des alternatives à cette vie sous emprise économique. En Espagne par exemple, il y a des villages qui s’organisent sans argent ou avec très peu de moyens. Il y a des possibilités, et je voudrais bien que les choses aillent dans ce sens.
Et ton monde idéal?
Eh bien ça va dans ce sens. Une envie de tolérance et de respect les uns envers les autres. Des conflits, il y aura toujours, ça me paraît être normal. A partir du moment où on vit dans une société ou en groupe, même dans une famille, c’est normal que le conflit existe, et c’est sain. La question vitale, c’est comment on aborde le conflit et comment on le résout. Il faudrait que chacun puisse vivre comme il en a envie, mais évidemment, cela passe par le respect mutuel. Bon, malheureusement, le système dans lequel on est a étendu ses tentacules dans tous les sens.
Imaginer quelque chose à partir de rien, ce n’est pas trop difficile, mais à partir de la situation dans laquelle nous nous trouvons, il faudrait peut-être imaginer une monstre explosion pour sortir de là. Mais finalement, c’est l’agro-alimentaire qui me pose le plus de problème, la mainmise des financiers sur la nature et ses ressources et tous les trafics qui y sont liés. Et nous, nous sommes coincés, parce que nous devons bien manger, et donc nous sommes forcés de consommer. Donc pour le moment, le système paraît être le plus fort.