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Octobre 2015
Auteur : Danielle Othenin-Girard
L'histoire de RECIF commence en 1994 en ville de Neuchâtel. Le but est de créer un espace de Rencontres et d'Échanges, un Centre pour encourager l'Intégration des Femmes immigrées. Le besoin est alors urgent, les femmes migrantes devenant de plus en plus nombreuses, affrontant souvent seules l'exil, plus d'une devant assumer la responsabilité d'une famille. S'isoler à domicile n'est plus possible, mais que faire pour prendre son avenir en main?
Dès que l'idée d'un lieu d'accueil et de formation pour femmes migrantes émerge, quelques requérantes d'asile se joignent à des personnes suisses pour lancer le projet de RECIF et fonder un réseau. Une volonté de collaboration et de compréhension entre cultures qui va rester une valeur maîtresse de RECIF dans la conception et l'évolution de son travail pour l'intégration des femmes étrangères.
Aujourd'hui deux centres fonctionnent, l'un à Neuchâtel (rue de la Cassarde 22), l'autre à La Chaux-de-Fonds (rue du Doubs 32), travaillant en étroite collaboration, dépendant d'une seule association cantonale. Les deux lieux sont ouverts tous les jours de la semaine. Durant l'année 2014, au total ce sont plus de 600 femmes et environ 250 enfants qui ont bénéficié de ces structures.
Les offres sont multiples, se développant autour de trois axes:
- la formation, avec comme noyau central les nombreux cours de français et d'alphabétisation, adaptés aux différents besoins des participantes; à cela s'ajoute une sensibilisation aux questions de prévention dans la santé, un programme de formation d'aide-ménagère (avec bourse à l'emploi), un cours «La Suisse… et moi» (découverte des institutions suisses et approche du monde du travail); divers ateliers (informatique, anglais, espagnol, couture, peinture, …);
- l'intégration pré-scolaire, une spécificité de RECIF qui a choisi d'intégrer dans son concept d'aide à l'insertion sociale des femmes toute une réflexion autour de l'intégration de leurs enfants, convaincu que les deux processus s'influencent mutuellement. C'est ainsi que s'est ouvert dans chaque centre un Espace-Enfants, le but étant à la fois de faciliter pour les mamans la fréquentation d'un cours ou l'engagement dans une activité, mais aussi et surtout d'offrir aux enfants diverses stimulations, les mettre dans un bain de langue francophone, aider les plus petits dans leur première séparation du lien familial; plus récemment des ateliers préscolaires se sont mis en place (stimulation pour la lecture, développement de l'autonomie), avec en parallèle pour les mères des moments d'échanges autour du thème de l'école (son fonctionnement en Suisse, l'importance du rôle parental, valorisation des compétences liées à d'autres cultures, réflexion autour du thème de la séparation mère-enfant);
- l'animation socioculturelle, clé de voûte de toute cette dynamique d'échanges propre à RECIF, à nos yeux essentielle pour faciliter l'intégration. Citons les après-midis ou soirées ACTIVE (à La Chaux-de-Fonds) et les Youpi c'est mercredi (à Neuchâtel), avec production manuelle, ou sortie en plein air, visite d'un lieu public, découverte d'un spectacle…; les cafés Blabla et groupes de paroles autour d'un thème; les repas-découvertes et nombreuses activités festives…). C'est souvent lors de contacts informels, suite à un cours ou un passage à l'Espace-Enfants que les femmes découvrent ces différentes animations auxquelles elles peuvent participer librement, se créant alors de nouveaux liens tant avec des femmes migrantes qu'avec les bénévoles des différents secteurs. Cela répond à de grands besoins de socialisation, favorise la pratique du français, renforce la motivation à apprendre, enrichit aussi le «tissus interculturel» propice au respect de l'autre et à l'affirmation de soi.
Rôle des bénévoles
Aujourd'hui, elles sont plus de 170, et sans elles rien ne serait possible! Des Suissesses qui apportent plein de compétences, mais aussi de plus en plus de migrantes venues à RECIF tout d'abord comme participantes aux cours, puis qui choisissent de s'engager davantage dans l'association, notamment par le biais du secteur animation ou dans le cadre des Espaces-Enfants, afin de se sentir utiles, apporter leurs connaissances linguistiques et acquérir de nouvelles expériences. Cette évolution marque une étape très positive par rapport aux buts que se donne l'association: oeuvrer pour «une intégration aussi participative que possible» et valoriser les ressources des migrantes.
Plusieurs réalisations donnant la parole aux migrantes
Rappelons le livre «Femmes de cœur et d'épices», écrit par 24 femmes de 24 nationalités différentes, chacune livrant une recette culinaire de son pays et sa propre histoire de migration. Ce livre, dont des exemplaires sont encore disponibles, a déjà fait l'objet d'un article dans l'essor.
L'année dernière, à l'occasion des vingt ans de RECIF, fut créée une exposition itinérante, «Derrière la migrante, la femme», présentant douze portraits et récits de vie. Le but était de mettre en question les clichés de femme soumise et peu qualifiée généralement associés à la migration féminine. La démarche fut d'impliquer personnellement les migrantes en les faisant réfléchir elles-mêmes sur «ces images toutes faites», en les encourageant à montrer leurs compétences et la force de leurs parcours. (L'exposition a déjà circulé en divers endroits de Suisse Romande; peut être commandée à RECIF).
Un tout nouveau projet: TandemA, consistant à organiser des mentorats d'intégration entre deux femmes immigrées, basés sur des rencontres régulières et le soutien de l'accompagnante, qui grâce à son propre vécu d'immigrée peut transmettre ses connaissances et son expérience du pays d'accueil. Des soirées de formation et de rencontres entre plusieurs «duo» sont prévues.
Danielle Othenin-Girard
membre du comité de RECIF