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Le 15 avril 2014, la Suisse a ratifié la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées. Contrairement à la coutume diplomatique, ce n’est pas l’ambassadeur de Suisse auprès des Nations unies qui a remis les documents de ratification mais le conseiller national Christian Lohr et le soussigné, président du Conseil Égalité Handicap, qui se sont vu confier cette mission.
La Convention est un instrument des droits de l’homme avec une dimension sociale explicite. Elle affirme que toutes les personnes confrontées à une situation handicapante doivent bénéficier de tous les droits et libertés fondamentales. Les règles de la convention constituent une déclaration de principe en regard des responsabilités des Etats signataires pour le développement de politiques en faveur des personnes handicapées. Elles posent des propositions d’intervention pour garantir l’égalisation des chances. Le fondement de ces règles réside dans la reconnaissance du nouveau paradigme du handicap selon lequel la faculté d’une personne à une fonction sociale dépend autant de la volonté de la société à s’adapter aux individus et à leurs différences qu’aux limitations fonctionnelles spécifiques qui définissent cette personne comme «handicapée». Ce n’est donc pas forcément à la personne d’être remodelée pour se «couler» dans le moule social. Il est de la responsabilité des collectivités de faire en sorte que tous les citoyens aient des chances égales de participation à la communauté.
La convention contient des droits aussi bien civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. Leur champ d’application, très large, touche notamment aux notions d’accessibilité, d’autonomie de vie et d’inclusion, de mobilité personnelle, d’accès aux informations, d’éducation, de santé, de travail, de loisirs et de culture. Bien qu’elle reprenne et appuie des éléments déjà existants dans le dispositif légal suisse actuel, la convention réaffirme l’universalité des droits des personnes handicapées. Elle est en cela un symbole de plus de la reconnaissance du handicap en tant que sujet de société.
Le contenu de la convention repose sur les travaux de nombreux groupes d’experts et de représentants de la société civile. Une part active importante dans la réflexion et la rédaction de ce texte a été confiée aux personnes directement concernées par une situation de handicap. C’est en cela une nouveauté pour un texte de portée internationale de cette envergure. Là encore, la reconnaissance de l’expertise d’usagers concernés, au-delà de la justification liée à la connaissance des besoins, relève un caractère symbolique fort en matière de valorisation du rôle social confié aux personnes en situation de handicap.
En Suisse, environ 800’000 personnes sont considérées comme vivant avec une situation de handicap en raison de déficience physique, mentale, psychique et/ou sensorielles. Pourtant, ancrée sur une forte tradition médicale, l’approche du handicap n’a intégré que récemment les nouveaux paradigmes de cette notion en prenant en compte sa dimension sociale. Ce n’est qu’en 2000 que la Constitution fédérale a posé le principe de l’interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap physique, sensoriel, mental ou psychique. La LHand de 2004 concrétise cette interdiction. Toutefois, malgré ce dispositif juridique, les personnes handicapées sont encore régulièrement confrontées à des préjugés, des obstacles et des situations de discrimination qui les limitent dans leur possibilité de participation à la vie sociale.
Même si, en dix ans, de réels progrès peuvent être relevés, force est de constater que la protection légale reste, aujourd’hui, lacunaire. La loi se restreint d’elle-même par son champ d’application limité à cinq domaines clairement définis (construction, transports publics, prestations de services, écoles et formations ainsi qu’emplois au sein de la Confédération uniquement). De plus, bon nombre de compétences dans les champs visés sont partagés entre Confédération et cantons, restreignant une fois encore les possibilités d’action, notamment dans le domaine des constructions ou de la scolarité. De plus le domaine des prestations de services n’a fait l’objet, à ce jour, que de très peu de développement.
L’absence de délais de mise en œuvre, exception faite du domaine des transports, laisse une grande marge de manœuvre quant à la réelle mise en application des conditions posées par la loi. Là encore, les exigences semblent difficiles à respecter puisqu’un récent sondage montre que la moitié des entreprises de transport n’ont pas respecté le délai légal fixé au 1er janvier 2014. De plus, l’absence d’examen systématique des éventuelles répercussions de nouvelles mesures légales sur la notion d’égalité des personnes handicapées favorise la tendance à ne pas prendre en compte cette thématique dans le développement de nouvelles règles légales.
Cette convention est un signe fort qui permet de rappeler que tout être humain a les mêmes droits fondamentaux et doit pouvoir jouir pleinement de l’ensemble des aspects de la vie. Ainsi, la Convention de l’ONU constitue un outil indispensable pour concrétiser le chemin vers l’égalité. En ratifiant cette convention, la Suisse a fait un pas important dans le sens d’une reconnaissance du droit à la participation sociale des personnes vivant avec un handicap. Osons espérer que cette démarche ne repose pas que sur un caractère symbolique mais sera suivie de mesures afin de concrétiser ce droit pour tout un chacun de vivre pleinement sa vie dans une société moderne respectueuse des besoins spécifiques des personnes vivant avec un handicap.
Pierre Margot-Cattin
président du Conseil Égalité Handicap