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On dit, nous disons, que la guerre n'est plus possible, qu'elle équivaudrait à un suicide. Oui, si l'on veut parler d'une nouvelle guerre mondiale, qui serait nucléaire. La déclencher serait une folie qu'aucun Etat, à l'heure qu'il est, ne voudrait commettre. Mais cela n'empêche pas la guerre de se faire sur une échelle réduite. Pendant que l'encre coule de ma plume, le sang coule au Vietnam. Seulement, il n'en coule pas assez pour qu'il vaille la peine de s'émouvoir.
Si nous quittons le plan sentimental pour regarder froidement les choses, nous voyons que la planète est habitée par trois milliards d'êtres humains. Même si l'augmentation annuelle n'était que de 1%, les Etats pourraient sacrifier chaque année plusieurs millions de personnes sans que le développement démographique de l'espèce humaine en soit compromis.
La guerre, pour autant qu'elle demeure localisée, n'est donc pas impossible. A certains points de vue, elle est même profitable, voire souhaitable: généraux, fabricants d'armements, financiers, pêcheurs en eau trouble y trouvent leur compte. Les préjugés nationalistes en sont renforcés. La peur d'une catastrophe empêche les peuples de se laisser tenter par des rêves d'émancipation. Et les gens bien-pensants qui ont décidé qu'il y aurait toujours des guerres parce que l'homme est foncièrement mauvais, se sentent agréablement confirmés dans leur foi en la méchanceté humaine.
Pourtant, la guerre, même localisée, non seulement ne résout aucun de nos problèmes, mais elle nous empêche de les résoudre. Loin de freiner l'explosion démographique, elle l'encourage. Elle justifie la course aux armements, favorise le gaspillage des ressources naturelles et des énergies humaines qui seraient nécessaires pour mettre fin à la surpopulation et à la sous-alimentation croissante des deux tiers de la population du globe. Elle empoisonne les esprits.
Seulement, il nous faut voir la réalité en face: la lutte sera longue encore.
Eric Descœudres