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Il y a en Suisse allemande une association Écologie et Population, en abrégé ECOPOP, qui aborde de manière approfondie la question du nombre de personnes qu'une région, un pays, voire la Terre peut supporter sans dommages irréparables pour la nature et la société (Vereinigung Umwelt und Bevölkerung, ECOPOP, Postfach 1746, 8401 Winterthur, www.ecopop.ch). C'est à ma connaissance le seul groupe qui réfléchisse sérieusement à cette question. Ni le parlement, ni le Conseil fédéral ne semblent s'intéresser à ce sujet pourtant primordial.
ECOPOP publie environ trois bulletins par année (en allemand). Ils donnent des informations précises sur l'augmentation de la population dans le monde et dans différents pays dont bien sûr la Suisse. Ainsi le bulletin 55 d'octobre 2008 nous apprend que la population mondiale au moment de l'impression du bulletin était de 6'728'185'897 personnes et qu'elle augmentait de 82 millions par année (la population de l'Allemagne), soit 2,6 personnes de plus par seconde. La population augmente rapidement et toujours plus vite pendant que les ressources diminuent. C'est manifestement une recette pour la catastrophe.
La question de la surpopulation provoque malheureusement des débats polarisés et pas très réalistes. Si vous affirmez que la Terre est surpeuplée, les journaux de gauche vous accuseront d'être un capitaliste qui ne veut pas partager sa fortune. Ils souligneront, avec raison, que les habitants des pays riches contribuent davantage au pillage de la planète que les hordes de pauvres diables habitant les pays dits «sous-développés» (un concept absurde). Mais comme le souligne ECO/POP, l'impact (I) de l'humanité sur la biosphère est le produit du nombre d'habitants (H) et de l'empreinte individuelle moyenne (E) (d'énergie, de ciment, de papier, de dentifrice, etc.).
Le discours officiel n'évoque que le facteur E. Les innombrables rapports d'experts pour réduire l'impact humain sur l'environnement contiennent de nombreuses propositions très pertinentes pour diminuer E. Cela va de la réduction de la consommation d'énergie en augmentant l'efficacité de son utilisation, laquelle est aujourd'hui lamentable, au renoncement à des gadgets d'utilité marginale et à la modestie dans la consommation et les déplacements. Mais on ne parle pas de H. Pourtant, même si E diminue notablement, l'augmentation de la population peut en annuler l'effet sur I.
Le problème est que les pays dits pauvres – tout au moins leurs dirigeants – veulent à terme disposer des mêmes avantages et du même confort que les pays riches. Et on les y encourage. On fait valoir que cela ne serait que justice et on se dit probablement que cela permettrait d'augmenter la production et les affaires. Dans la mesure où ce sont aussi ces pays qui ont le plus fort taux d'augmentation de la population, l'impact sur la planète promet d'être considérable. Il ne faut donc pas se tromper de discours. S'il reste vrai que les pays riches peuvent plus facilement réduire leur impact en agissant sur E et en encourageant une diminution de leur population et, espérons-le, une décroissance économique, il reste souhaitable de promouvoir le planning familial dans les pays à fort taux d'augmentation de la population, surtout si on les considère comme sous-développés, ce qui ne veut rien dire: en quoi est-ce qu'une tribu indienne vivant dans la forêt amazonienne est sous-développée par rapport aux habitants de New-York?
Par ailleurs, il me semblerait utile de définir des unités territoriales dont la capacité à héberger des populations serait au moins approximativement quantifiable. L'unité territoriale qui me parait la plus évidente est le bassin versant. Dans la mesure où l'état de la planète, en particulier le climat, ne se modifie pas trop rapidement, un bassin versant dispose d'une certaine quantité d'eau, de sols cultivables et d'autres commodités dont en particulier des agents énergétiques renouvelables. Le nombre de personnes que ce bassin versant peut héberger, soit son peuplement, dépend alors de leurs exigences en termes de consommation.
De plus, un bassin versant est en général contenu dans un autre plus grand auquel il contribue à apporter l'eau qui l'a traversé et qu'il doit donc fournir non polluée. Cela conditionne la manière dont l'eau peut être utilisée et retournée à la nature. Cette manière de voir peut paraître aujourd'hui très théorique, voire utopique, mais elle n'en reste pas moins fondamentalement valable, la santé de la biosphère étant déterminée par celle de ses bassins versants.
Il est vrai qu'aujourd'hui plus personne ne pense en termes de bassin versant. N'importe qui peut habiter n'importe où et exiger n'importe quel confort. On a construit des grandes villes en plein désert, comme celle de Phoenix en Arizona. Elles utilisent d'énormes quantités d'eau prélevées à grande distance, eau dont elles privent des bassins versants qui deviennent inhabitables.
Vu sous cet angle, un pays comme la Suisse est certainement déjà largement surpeuplé, au moins dans certaines régions comme le bassin lémanique. Néanmoins le discours politique reste limité à la promotion de la croissance économique et l'on propose même de faire croître la population dans les régions déjà saturées et d'y augmenter l'attractivité pour le tourisme et l'industrie, quitte à les rendre définitivement invivables à plus long terme.