Le monde selon K.
Pierre Péan, 2009
Grâce aux quelques rares grands journaux français qui ne sont pas sous la coupe de l'Elysée, on savait que le trône de Bernard Kouchner était vacillant. Mais de là à penser que le french doctor avait troqué l'humanitaire contre le pouvoir et le luxe, il y avait un fossé que le livre de Pierre Péan nous permet hélas de franchir aisément. Hélas, disons-nous, car Bernard Kouchner fut pendant longtemps une des personnalités préférées des Français et on admirait son action. Aujourd'hui, il ne traque plus le malheur, mais le fric.
Sans doute Bernard Kouchner était-il sincère quand il oeuvrait dans le cadre de Médecins sans frontières. Sans doute y a-t-il eu dans sa vie une période où il était préoccupé par les droits de l'homme et la misère du monde. Mais aujourd'hui, corrompu par l'argent et le pouvoir, il est devenu un autre homme. Non seulement, il a activement soutenu l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, mais il a réussi à renforcer la diplomatie française dans ce qu'elle a de plus détestable, notamment sa mainmise sur les gouvernements de l'Afrique francophone.
Le
french doctor ne se promène plus comme naguère avec un sac de riz sur les épaules. Au contraire, il aime se pavaner sur les yachts de luxe ou dans les villas somptueuses de Marrakech. Il ne dénonce plus les atteintes des droits de l'homme des dirigeants de Gabon ou du Congo, mais fait affaire avec eux. Au point d'ailleurs qu'il a écarté de son chemin ceux qui lui résistaient, notamment ses secrétaires d'Etat à la coopération et aux droits de l'homme.
Bernard Kouchner était une idole. Aujourd'hui, grâce au livre très bien documenté de Pierre Péan, on le perçoit comme un arriviste dénoué de tout sentiment humanitaire. Preuve de son goût immodéré pour le pouvoir: il a soutenu Ségolène Royal à l'élection présidentielle. Puis, après la défaite de la candidate socialiste, il a rallié Sarkozy sans états d'âme. Un conseil pour terminer: Bernard Kouchner devrait cesser de dire qu'il n'a pas renié ses convictions de gauche. Il fait honte à ceux qui se battent sincèrement pour un monde meilleur.
Bien des gens sont comme les horloges qui indiquent une heure et en sonnent une autre.
Proverbe danois