Trois visions stratégiques de la sécurité à long terme
Vers une armée consolidée et modernisée
Quelle sécurité dans dix ans? Le monde sera caractérisé par des menaces de plus en plus difficiles à prévoir: du terrorisme multiforme aux pandémies nouvelles, en passant par la prolifération d'armes, les conflits ethniques, la cybercriminalité ou les catastrophes naturelles dans une planète urbanisée. De vrais virus, instables et évoluant rapidement. Pour les contrer, il faudra une polyvalence nationale et des antidotes internationaux. La Suisse doit en tenir compte et développer des visions stratégiques. A titre d'exemples, en voici trois, qui impliquent l'ambition d'évoluer en consolidant et en modernisant.
1. Fixer une stratégie politique de sécurité et un cadre financier stableJ'ai proposé, par une initiative parlementaire , que le Conseil fédéral présente dorénavant des programmes d'armement sous forme de crédits-cadres couvrant une période de quatre ans. Avantage: proposer une réelle vision globale sur la politique d'armement.
Ces messages quadriennaux devront comporter une véritable dimension stratégique, avec la réactualisation du rapport sur la politique de sécurité présentant l'évolution des menaces et, le cas échéant, des missions. On obtiendrait ainsi, à chaque décision du Parlement sur la politique d'armement, une caution simultanée de la politique de sécurité au sens large.
En cette année 2009, un nouveau rapport de politique de sécurité est précisément en phase d'élaboration. Je suis convaincu que cette nouvelle stratégie démontrera l'absolue nécessité de renforcer à long terme notre couverture aérienne. Par ailleurs, elle devrait permettre, à mon avis, de sortir des blocages entre réformistes et conservateurs. Pourquoi ne pas augmenter la sécurité en additionnant (plutôt qu'en opposant) l'autonomie suisse là où on le peut et les partenariats là où on le veut? Un exemple concret: ma proposition de créer un nouveau concept concernant les moyens de transport en vue de soutenir les engagements civils et militaires à l'étranger, à titre humanitaire et en faveur de la paix .
2. Moderniser la milice
Deuxième vision d'avenir: confirmer les valeurs de la milice et de l'obligation de servir tout en les adaptant aux réalités. En renforçant l'importance des militaires en service long, qui accomplissent leur service militaire en une seule fois en 300 jours, pour faire ensuite partie de la réserve pendant dix ans .
Je propose de doubler la proportion de ces militaires et de l'amener ainsi à un taux maximal de 30 pour cent, ce qui correspond à 6000 soldats. Tout en demeurant fidèle au principe de milice, l'armée suisse sera mieux à même de répondre aux menaces. Par exemple, on augmenterait fortement la disponibilité immédiate dans le cadre de l'aide en cas de catastrophe. De plus, l'armée s'adaptera plus efficacement aux impératifs de l'économie et de la société.
3. Clarifier et développer la politique de promotion de la paixTroisième vision: une stratégie pour les engagements dans la promotion de la paix à l'étranger, résultat d'une analyse mêlant les intérêts des politiques étrangère et de sécurité, ainsi que des politiques économique, énergétique et des migrations.
Les actions devront être intensifiées et permettre ainsi une réaction forte, rapide et compétente. De plus, la Suisse doit inscrire son engagement en tant que partie intégrante de la défense au sens large et non comme une concurrence aux missions strictes de défense du territoire. L'engagement à l'étranger est dans l'intérêt de la Suisse.
Les engagements à l'étranger devront aussi être facilités par les processus de décision politique. Par exemple en augmentant la marge de manœuvre du Conseil fédéral pour pouvoir réagir vite ou étendre un engagement en cours . Il s'agira encore d'accroître les incitations pour les jeunes Suisses à s'engager dans ce domaine. Autre point fort: l'adaptabilité en fonction de l'évolution de la situation internationale. Qui peut prédire actuellement ce que sera le théâtre d'opérations en 2015?
Enfin, une voie concrète s'ouvre à la Suisse: un accord-cadre avec l'UE sur la politique européenne de sécurité et de défense. La Suisse resterait libre de s'engager selon les actions, mais s'inscrirait dans une logique de sécurité sectorielle continentale .
ConclusionDans dix ans, la Suisse et son armée pourront avoir confiance en leur pouvoir dans la mesure où elles auront su consolider et moderniser leurs utiles spécificités et leur nécessaire ouverture.
« (…) Chef de parti et conseiller fédéral, ce sont deux rôles différents. Ueli Maurer parvient très bien à faire la part des choses car il est intelligent. D'ailleurs, j'avais assez peu de doutes à ce sujet au moment de son élection. Mais pour l'instant, je dirais que si sa fonction a changé, l'homme reste le même. On le sous-estime souvent alors qu'il a un grand feeling politique. Et surtout, une autorité sur son parti qui peut débloquer certains dossiers et faire évoluer les fronts ».
Didier Burkhalter, L'Impartial, 4 avril 2009