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Les idées de décroissance mettent en avant les tentatives contemporaines de modes de vie alternatifs : moins de gaspillage, sobriété volontaire, diminution de son empreinte écologique, établissement dans des collectifs de vie, généralement en milieu rural. On peut considérer qu'il est relativement facile de mettre en oeuvre l'alternative, de façon progressive, sur le plan des actes individuels quotidiens. Mais ne serait-il pas souhaitable de proposer une réelle alternative à l'économie dominante ?
Les raisons en sont assez manifestes: l'économie mondialisée actuelle n'accepte que la loi du profit. Pas question d'une quelconque éthique, et l'on doit se féliciter de payer si peu cher les .vêtements produits par des ouvrières chinoises travaillant dans des conditions très similaires à l'esclavage. Pas question non plus d'une contrainte écologique, et l'impact négatif sur le milieu ne fait que croître, alors qu'il est déjà démesurément élevé et menace la pérennité de la vie sur Terre. D'autres causes seraient à citer, mais on supposera l'essentiel connu du lecteur.
Dans ces conditions, il est indispensable et urgent de réfléchir à des possibilités de ne pas participer à ce fonctionnement économique fondamentalement négatif. La décroissance individuelle basée sur la sobriété volontaire constitue déjà un premier pas. Mais l'idée est d'aller plus loin, en mettant en place des structures collectives, permettant progressivement à un plus grand nombre de personnes d'accéder à un mode de vie alternatif.
Une piste de réflexion a été explorée voici déjà plusieurs années par François Partant, sous l'appellation de centrale économique, puis d'ASEM (Association pour une alternative socio- économique mondiale). François Partant (1926-1987) fut longtemps banquier dans le tiers monde, avant de se consacrer à la critique du développement et à la recherche d'alternatives. Qu'est-ce qu'une ASEM ? Citons Partant:
«L'objet de l'ASEM est de réunir toutes les personnes qui souhaitent fonder ensemble une société au sein de laquelle sont exclus les rapports de domination et les relations de pouvoir. Il est de promouvoir des activités productives pour donner aux sociétaires des moyens d'existence, en évitant que n'apparaissent entre eux des contradictions d'intérêts. Il est aussi d'instaurer de nouveau rapports sociaux et de nouveaux rapports économiques dans le cadre de l'association, qui conserve la propriété légale des moyens de production. A cette fin, l'ASEM effectue des études de faisabilité, acquiert des moyens de production et consent des prêts aux sociétaires pour faciliter leurs investissements productifs» (1).
Il s'agit donc d'un organe technique, fondé et animé par les collectifs et producteurs intéressés, et favorisant prioritairement les échanges entre ses membres. Il a également un rôle de réflexion et de prévision sur la nature et la quantité de biens à produire, de planification en quelque sorte, décidée collectivement par les gens concernés. Il a enfin un rôle d'aide à l'installation pour de nouveaux sociétaires porteurs de projets, en permettant l'accès à la terre ou aux outils dont l'ASEM resterait propriétaire, mais dont 1'usage serait garanti aux utilisateurs sans limitation de durée. Afin d'être indépendant du système, il ne ferait appel qu’à des financements privés.
Le but est de permettre aux participants de produire et d'échanger en fonction de leurs propres critères, bien différents de ceux de l'économie mondialisée. A plus long terme, il est d'augmenter l'autonomie économique de l'ensemble des participants, voire, idéalement, d'en arriver à cesser toute contribution au système économique dominant.
Sous une forme un peu différente, cette expérience a connu un début de fonctionnement à Madagascar dans les années 1970 à l'initiative de Partant, en se basant sur un mode de fonctionnement démocratique traditionnel, le fokonolona (2). Un tel projet peut certes sembler bien théorique et plutôt utopique, mais tenter une première expérience de création d'une ASEM, sous forme par exemple associative, dans une région où un nombre suffisant de structures alternatives existantes ou en projets seraient intéressées, pourrait être d'une grande utilité, notamment en permettant d'estimer concrètement la viabilité d'un tel réseau.
(1) François Partant, La ligne d'horizon, Paris, La Découverte, 1988, réédition 2007, page 211
(2) François Partant, La guérilla économique, Paris, Seuil, 1976, page 154.