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Le photographe René Bersier, Fribourg, ne pratique pas la photo du réel, genre carte postale. Chacune de ses images est une création qu’il fait naître à partir de clichés de roseaux, d’herbes, de pierres et rochers, et tout récemment à partir de dessins de visages engendrés dans la rouille sur des wagons de chemin de fer. René Bersier voit l’invisible, il lui donne une image qu’il nous demande de reconnaître. Il utilise cette image comme un peintre sa palette de couleurs, c’est donc une autre approche que celle à laquelle nous sommes soumis quotidiennement. Il nous propose une création sur le support des images qu’il capte. C’est cela qu’il tente de nous expliquer dans son texte. (mb)
VOIR et s’arrêter sur un sujet qui appelle, sentir sa présence, activer en son for intérieur ce visible d’un réel en un autre visible latent, l’inscrire en mémoire dans la boîte à lumières, voici la phase première qui déclenche le processus émotionnel de mes créations.
Aujourd’hui, l’industrie de l’image nous submerge de clichés qui frappent d’abord la vue pour atteindre le subconscient avant la raison. Le semblant de spontanéité de l’événement qu’elle relate, exprime souvent autant que les mots qui l’accompagnent. Nous vivons de l’image dans l’image, présente partout, du réveil au sommeil, nos rêves n’ont-ils pas leurs images?
Pour satisfaire, à la curiosité ou au titre de référence, pour la sécurité, pour l’évasion et souvent pour rien, fugitive comme les éclairs dans le désordre de notre concentration, l’image est aujourd’hui une compagne indispensable de l’information et de relation dans la vie de notre société en mouvement.
Aussitôt né, l’homme crée de façon générale des vues à la ressemblance de son décor environnant. Mais sa représentation plus ou moins exacte du visible se double de la représentation de l’invisible à la portée immédiate de ses sens, tels ses mythes, ses divinités profanes ou sacrées, ses idoles. Ainsi, il tend à fixer dans l’image l’esprit du sujet, sa personnification; image, qui elle-même le reportera vers la réalité qu’elle symbolise. Ainsi, ne cherche-til pas à perpétuer une apparence visible des symboles qu’il s’est découverts.
Pour l’artiste, il ne s’agit plus de reproduire mais de produire, dans le sens de l’innovation, du renouvellement des idées de l’homme et du monde, qui passe par une autre manière de regarder les choses. La création d’une image le fait entrer plus intimement, à des degrés différents de ses secrets, dans l’infinie palette des couleurs et des formes. L’éclatement de l’unité «formecouleur » en entités polyvalentes lui a ouvert un horizon plus vaste, dans des structures inconnues, hors de l’échelle humaine.
Sans se conformer à quelque idéalisme, les oeuvres de notre époque et leur beauté sensorielle engendrent chez l’homme les sentiments les plus divers, qui le projettent non plus devant mais en profondeur, à l’intérieur de la chose. En art, domaine toujours premier à explorer l’inconnu, les investigations de l’artiste le conduisent à prendre des libertés insoupçonnées jusqu’aux confins de l’inconcevable.
Mon but est de donner à voir ce qui n’est pas encore révélé, d’initier tout un chacun à voir au-delà de l’étendue physique et lui offrir un espace psychique, une sorte de nouvelle genèse des choses. Dès mes débuts je me suis mis en quête d’un langage personnel. Les nombreuses expériences d’application de l’image sur du métal, tissu, roches et autres, m’ont contraint à créer des images qui correspondent aux caractéristiques des matériaux utilisés. La rencontre du musicien compositeur Luigi Nono à Venise, est à l’origine du mécanisme visuel de la troisième image (surimpression), où chaque élément n’éclate que par son contraire. Cette démarche m’a été inspirée par la similitude des fonctions de l’appareil de la prise de sons et de la prise de vues, ainsi que du travail de composition qui a suivi.
La photographie que je pratique depuis plusieurs décennies doit son origine à un ensemble de procédés appelés à l’époque «héliographie, héliogravure pour les estampes» destinés à rendre permanentes les images par des moyens autres que le dessin. Elle fut la première activité artistique qui lie le «faire et le voir», autrement dit la science et l’art. Le progrès de la science et l’évolution de la technique permettent aujourd’hui de domestiquer ses divers agents physiques et la LUMIERE, sa matière première immatérielle. Grâce aux progrès de l’enregistrement numérique et de l’impression au jet d’encres à pigments sur des supports nobles tels les papiers chiffons, l’image dite photographique, s’est refait sa place parmi les estampes. Entré dans cette nouvelle ère de la photographie et de ses multiples applications en plein épanouissement, l’artiste est l’artisan d’un patrimoine en devenir que nos suivants remonteront dans l’histoire en révisant nos valeurs.