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Implémentation de nouveaux projets, comptabilité analytique, augmentation de l’efficience, bref tous les ingrédients sont déjà posés pour parler de ce qui fait souffrir les employés de la fonction publique. Cette femme ou cet homme qui, depuis plus de 20 années, s’échinent à travailler dans une fonction publique qui, comme chez les facteurs, se voient chronométrer le moindre de leur geste et qui pleurent littéralement dans nos permanences. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais bel et bien une logique organisée. Ils n’en peuvent plus d’être contrôlés, infantilisés, sans aucune autonomie. Sans parler des réformes qui déboulent alors que personne n’y a été associé. On assiste en effet depuis bientôt vingt ans à une déshumanisation totale du travail dans la fonction publique. Les plus performants vous dirons que non, que tout va très bien, mais au fond d’eux, ils savent pertinemment que le jour où, comme certains de leurs collègues, ils auront un passage à vide, la machine à déshumaniser les broiera comme les autres.
L’autre jour encore, dans une entreprise fédérale, les responsables, harnachés de leurs certitudes des pieds à la tête, voulaient imposer la suppression de la progression salariale à l’ancienneté en faveur de celle, «plus efficiente» disaient-ils, de la rémunération au mérite. Ce qu’il y a de pathétique dans ces décisions, c’est de constater que dans les administrations publiques on veut imposer le salaire au mérite alors que, déjà depuis très longtemps, dans a grande majorité des secteurs de l’économie privée il est abandonné au profit de valeurs plus collectives qui font profiter des potentialités de chacun, mais aussi des étroites synergies nécessaires et imposées par la socialisation planétaire du travail.
Nous ne parlons pas ici des handicapés légers, des alcooliques, ou encore de celles et ceux qui n’ont pas été favorisés par le milieu social dans lequel ils sont nés, bref des cabossés de la vie qui sont eux doublement précarisés. Nous parlons de madame et monsieur tout le monde, de la majorité des employés de la fonction publique. Parce que leur affinité les porte à servir la collectivité plutôt que d’offrir leur force de travail à un patron, ils ont le service public chevillé au corps. Ces derniers sont capables de tout endurer lorsque les crises se produisent, que leur chef ne répond plus ou que leur service dysfonctionne gravement; ils sont prêts à donner d’eux-mêmes sans compter. Mais depuis quelques années, ils subissent des attaques sournoises, qui vont du mépris total à quelque chose de plus diffus, une volonté implacable de les faire marner plus encore. Tout ceci enrobé dans une bouillie idéologique, comme si l’on voulait les rendre responsables des déficits budgétaires que certains anti-impôts néo-libéraux ont réussi à faire avaler au corps électoral. Alors viennent les coups de déprime «inexplicables» qui font croire à une incapacité personnelle de surmonter les difficultés. Là est le véritable nœud de la souffrance; être perdu, isolé dans des processus de production qui nous dépassent et qui nous écrasent. Le seul remède alors est de se coaliser, de constater que tout seul on ne peut rien.
Peu de personnes ont compris cette nécessité de résistance collective, y compris dans son travail quotidien et pourtant c’est la seule issue pour que son psychisme ne soit broyé dans la logique du «faire mieux avec moins» ou du «ni hausse d’impôt, ni baisse de prestation». Gageons que dans les années à venir, sur leur lieu de travail, les employées et les employés du secteur public comprendront qu’il est temps de mener une réflexion collective sur les processus de production et tous ensemble de définir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.