2024 | 2023 | 2022 | 2021 | 2020 | 2019 | 2018 | |||
2017 | 2016 | 2015 | 2014 | 2013 | 2012 | 2011 | |||
2010 | 2009 | 2008 | 2007 | 2006 | + 100 ans d'archives ! | ||||
Rechercher un seul mot dans les articles :
|
Sur fond bleu clair : les passages de l'article d'origine
qui ont été omis de la version "papier", faute de place.
Malgré tant de brutalités commencées selon la mythologie il y a 3200 ans lors de la prise de Jéricho par Josué et à l’époque moderne, dès 1920 sur place, les Juifs, « ce peuple-monde » mérite selon moi, un respect particulier. Je lui dois toutes les valeurs qui ont construit ma vie. Il a donné au monde plus de savants et de grands hommes politiques que tous les autres, dans de nombreux pays.
Ses enfants brillent dans les universités du monde. C’est lui qui a produit le plus de prix Nobel. Je m’explique cela de la manière suivante : dès la fin du premier siècle, près de 2000 ans avant tous les autres, par une décision du grand rabbin de Jérusalem, ce peuple a exigé que tous ses garçons, et pas seulement ceux de sa noblesse, soient capables de lire la Tora.
Cela ressemble au choix des protestants qui ont voulu que chaque être humain ait, après avoir lu la bible, un rapport direct avec son Dieu. Cette décision s’éloignait fort des exigences des pharisiens qui exigeaient l’observance de plus de 600 obligations et interdictions ou des pratiques de l’Église romaine qui utilisait le latin que de très rares catholiques étaient capables de comprendre jusqu’à Jean XXIII. Ces méthodes visaient à donner du pouvoir à la hiérarchie et développaient plus la superstition que la foi.
Parmi les grands mensonges de l’histoire récente, il en est un qui mérite ces quelques lignes. L’actualité de la destruction de Gaza en 2023-2024, que d’aucuns qualifient de génocide, m’y invite avec force. Pour tuer deux responsables du Hamas, l’armée de Netanyahou jette des missiles sur des écoles, tue 70 femmes et enfants et en blessent 300 autres. On apprend le lendemain que 70 de ces blessés sont également morts. On n’a pas pu les soigner car Israël ne laisse entrer ni médicaments ni nourriture, et presque pas d’eau. Ces enfants blessés doivent être amputés sans anesthésie.
Ce carnage qui dure depuis un an est présenté tous les soirs à la TV dans le monde entier. Les Américains qui s’associent à ces brutalités font des grandes déclarations publiques pour dire qu’il faut arrêter cette guerre. Dans le même temps, ils avancent deux porte-avions le lendemain du 7 octobre et fournissent sans interruption, armes et munitions. Mensonges.
Et ce ne sont pas les premiers. La création de l’État d’Israël nous a été présentée comme l’arrivée en Palestine des rescapés de l’holocauste. Ils venaient faire fleurir un désert. Quel enthousiasme n’a-t-on pas manifesté en lisant la presse et en allant voir, plusieurs fois, Exodus au cinéma. La scène où Paul Newman se faisait inspecter un oeil par un douanier bien décidé à ne laisser passer aucun juif, nous reste comme un moment de pur plaisir. S’ajoutait encore l’organisation des kibboutz, des modèles de démocratie.
L’attachement des pays occidentaux aux mythes bibliques, leur mauvaise conscience après la Shoa ne pouvait que renforcer cet enthousiasme. Et pourtant que se passait-il là-bas ? Un nettoyage ethnique sans précédent. Les quelque 5% de Juifs décidés à créer cet état n’avaient qu’un objectif depuis les années 1920 : envoyer dans les pays alentour le 95% de la population arabe qui vivait là paisiblement depuis toujours mais qui avait eu la mauvaise idée de se convertir à l’islam au 8e siècle.
Avec les capitaux américains pour acheter les premières terres et créer une armée invincible et la connivence des Anglais dont le mandat des Nations-Unies était de maintenir l’ordre, les Juifs déjà présents à la fin de l’Empire ottoman, ont organisé l’Irgoun, le groupe Kern et la Haganah dès les années 1920. En fait, des terroristes. Ils traumatisaient les villageois et les Anglais regardaient ailleurs. C’est à l’époque où nous manifestions le plus de sympathie pour la création de l’État d’Israël que le nettoyage ethnique était le plus violent et le plus cruel, 1947-1949. Cela sous l’autorité d’un Ben Gourion qui nous paraissait comme le plus aimable des hommes.
Quand les volontaires des pays limitrophes, mal armés et mal dirigés, sont venus en fin 1948 secourir les Palestiniens dont on détruisait les villages, ce même futur premier ministre dénonçait ce qu’il présentait comme un deuxième holocauste. Et les habitants du monde entier avaient trop honte de ce que les nazis avaient fait aux Juifs pour admettre cette nouvelle abomination. La réalité était que les Juifs, dans leur nouveau pays, étaient aussi cruels que leurs précédents persécuteurs.
En fait, ils organisaient la suppression de milliers de villages et forçaient les habitants à fuir en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Égypte. L’aviation faisait exploser des maisons habitées, souvent pendant la nuit. Les habitants fuyaient. L’armée regroupait ces fuyards et les alignait sur la place. Un officier cagoulé désignait les « hommes de 10 à 50 ans » souvent choisis préalablement par les services de renseignement, et elle les abattait aussitôt, pour ensuite se ruer dans les maisons encore debout pour voler tout ce qui pouvait l’être. De plus les soldats arrêtaient les « troupeaux de fuyards », souvent des femmes, arrachaient leurs bijoux et volaient tout ce qu’elles emportaient de valable.
Puis les soldats plaçaient des mines pour éviter le retour des propriétaires. Ils rasaient le village. Ensuite venait la plantation d’une forêt et l’État se félicitait de vaincre le désert en apportant de la verdure… et des fleurs.
Un livre intitulé « Le nettoyage ethnique de la Palestine » a été écrit au début de ce siècle par le professeur Ilan Pappé. Il est édité par « La Fabrique ». [Paru le 10 mai 2024. Voir en ligne ici — ndlr]. Construit sur la base des archives de la Haganah, l'ouvrage énumère ces carnages, ces viols, ces accaparements des richesses, ces destructions en mentionnant avec une précision d’horloger les villages effacés, les dates et le nom des officiers qui ont conduit cet horrible accaparement d’un pays riche et prospère… pas un désert.
La détermination et l’intelligence, mais aussi la fourberie de ceux qui ont conduit cette abomination sont remarquables. Avec le recul il est intéressant de noter que ce sont les autorités israéliennes qui ont refusé à l’institution de l’ONU appelée OIR de s’occuper de tous ces réfugiés palestiniens parce que c’était elle qui s’était occupée des réfugiés juifs après 1945. À cause de ce refus, il a donc fallu créer l’UNRWA… Une partie des Palestiniens sont restés pour diverses raisons. Quelques villages ont été sauvés. Et cette population grandit plus vite que la population juive. Va-t-il falloir tuer et encore tuer comme à Gaza pour garder le contrôle du pays en mains juives ?
Je répète que la faiblesse de nos démocraties vient essentiellement de ce qu’elles sont conduites par des menteurs. Et l’exemple d’Israël en est l’illustration. Le seul pays du Moyen-Orient à être une démocratie, c’est bien Israël. Le seul pays du Moyen-Orient à dire oui à la partition de la Palestine en deux états était bien encore Israël… qui n’en voulait pas. Ben Gourion et le roi Abdallah avaient convenu secrètement que la Cisjordanie ferait partie de la Jordanie. Cela a paralysé ce pays qui se réjouissait de se voir agrandi à l’est du Jourdain.
À notre époque, le seul pays qui ne veut pas entendre parler des deux états est précisément Israël. Tous les pays du monde proposent de respecter ce qui a été décidé en 1947. Même les États-Unis le prétendent. Ils le crient sur tous les toits. Mais lorsque tout récemment, cette proposition a été votée au Conseil de sécurité, ils ont voté contre (droit de veto). Avec l’appui des Anglais et des Suisses, qui se sont abstenus. Le président Clinton s’était battu pour arriver à un accord qui devait mettre fin à une guerre qui dure depuis plus de cent ans. Il a presque réussi mais c’était tout à la fin de son mandat et il n’a pas pu faire le nécessaire pour que l’accord aboutisse.
On dit oui pour la galerie et on vote non.
Pierre Aguet, Vevey