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Octobre 2021
GIEC, y es-tu ?
Auteur : Marc Gabriel

Le dernier rapport1 du GIEC fait état d’une situation planétaire dangereuse, voire catastrophique. C’est en tout cas ce que nous racontent nos médias, soucieux de ne pas être à la traîne des informations qui comptent. Le rapport, le N° 6, pèse, comme ses prédécesseurs, plus de 1200 pages. Donc personne ne le lit, faute de temps d’une part et d’autre part parce qu’il décrit une situation extrêmement complexe qui en rend la lecture des plus ardues et nécessite quelques connaissances scientifiques2 pour en apprécier la substantifique moelle. Aussi le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) (IPCC - Intergovernmental Panel on Climate Change en anglais3), a eu l’excellente idée d’en faire un résumé, dit «à destination des décideurs», version ramenée à 20 pages, accessible sur internet et même traduite (bénévolement) en français4. Je m’y suis donc collé, non que je sois – en dehors du choix de mes achats de bananes – un décideur de quelque manière que ce soit, mais parce que la curiosité était plus forte que l’ingestion (et la digestion) des impressions médiatiques.

Ose penser par toi-même! Sapere Aude. Emmanuel Kant / Lumières, 1784

Ce serait vous faire injure que de tenter de bricoler un résumé du résumé; je me limiterai donc à ne commenter que quelques-uns des points évoqués dans ce rapport. Par égard, à la fois pour les lecteurs de l’essor et pour les auteurs de ce rapport, je tiens à saluer cet énorme travail dont les nombreuses compilations et les encore plus nombreuses contributions ont, depuis des années, abouti à cette prise de conscience que nous appelons le changement climatique. Enfin, comme disait Pierre Dac: «La prévision est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir». Nous resterons donc attentifs et veillerons à ne pas prendre des vessies pour des lanternes5.

Premier constat – Chacune des quatre dernières décennies a été à chaque fois la décennie la plus chaude sans précédent depuis 1850. Selon le GIEC, la température de la surface de la planète a augmenté de 0.84 à 1.10° (en moyenne: 0.99°). Mais ce chiffre s’apprécie mieux si l’on prend en compte la différence entre sol et océan. Au sol, l’augmentation moyenne est de 1,59° alors que sur les eaux, elle atteint 0,88°.

Deuxième constat – L’influence humaine est probablement le facteur principal du recul mondial des glaciers depuis les années 1990 et de la fonte de la banquise en Arctique entre 1979–1988 et 2010–2019. La bonne nouvelle, si je puis dire, c’est que cette hausse de la température semble moins forte en Antarctique, là où l’activité humaine est quasi nulle.

Troisième constat – Le niveau moyen de la mer a augmenté de 0.20 [0.15 à 0.25]mètres entre 1901 et 2018. Que d’eau, que d’eau. L’homme aura donc tout inventé, y compris l’eau, même si c’est sans l’avoir voulu. Démiurge malgré lui en somme, l’homme avec son industrialisation apparaît clairement comme la cause essentielle de cette augmentation.

Quatrième constat – Les activités humaines ont entraîné le réchauffement du climat à un rythme sans précédent au cours des 2000 dernières années, au moins. En observant les diagrammes relatifs à ce constat, on s’aperçoit que les variations ont été négligeables jusqu’en 1900. Il y a même un certain refroidissement entre 1500 et 1900. Les scientifiques ont calculé que sans l’activité humaine, la variation naturelle (soleil + volcanisme) n’aurait pas atteint 0,1°.

Cinquième constat – Le réchauffement observé est dû aux émissions anthropiques, le réchauffement lié au gaz à effet de serre étant partiellement masqué par le refroidissement provoqué par les aérosols. Je ne sais pas trop que penser de ce constat, mais il ne faudrait pas en conclure que reprendre vos déodorants conditionnés en aérosols fasse de vous des sauveurs de climat. La couche d’ozone vous remercie.

Sixième constat – Le changement climatique a déjà affecté toutes les régions habitées du globe, l’influence humaine contribue à de nombreux changements observés dans les conditions météorologiques et les extrêmes climatiques. Tout y est, la température qui s’emballe, les précipitations intenses qui s’intensifient, et les sécheresses agricoles qui se multiplient. Voyez par vous-même les graphiques qui schématisent le monde. Ils sont sans équivoques et montrent l’ampleur des dégâts mieux qu’une longue explication de texte.

Car enfin, qu’est-ce qu’un homme dans la nature? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes. Blaise Pascal / Pensées

Je vais arrêter là mon énumération. Mais je vous engage très fortement à lire ce résumé, c’est très instructif, et ça coupe l’herbe sous les pieds des climato-sceptiques, des complotistes et autres «—istes» de tout poil qui assurent et veulent vous en convaincre que la vérité sort de la bouche fétide des calamiteux réseaux sociaux.

Il faut maintenant évoquer l’avenir, et là, permettez-moi de me réfugier derrière les projections avisées de nos experts. Les gens du GIEC ont déterminé selon 5 scenarii possibles que: au mieux, la température va augmenter d’ici 2040 de 1,5° et au pire de 1,9°. D’ici à 2060, c’est entre 1,6° et 3° et d’ici à 2100 de 1,4° à 5,7°. Il va falloir se souvenir de comment on mettait des glaçons dans nos apéritifs! Les lecteurs attentifs, que vous êtes certainement, prennent alors conscience que, comme souvent dans notre monde, les événements vont en cycles exponentiels, c’est à dire que plus il y a de dioxyde de carbone, moins les puits naturels de carbone, (forêts et océans) peuvent en absorber. C’est un équilibre si précaire ou si ajusté que quoiqu’il se passe, les scientifiques du GIEC précisent que ces changements, futurs ou passés sont irréversibles pour plusieurs siècles. Le niveau des mers va continuer à s’élever (je n’ose pas vous donner les hauteurs prévues, vous les découvrirez vous-mêmes) et engloutir de nombreux territoires habités.

Les types qui déboisent la forêt amazonienne acceptent enfin de faire un geste pour l’environnement. Désormais, ils mettront de l’essence sans plomb dans leurs tronçonneuses. Philippe Geluck / Le Meilleur du chat

Le GIEC prévoit encore que la variabilité des phénomènes séculaires peut faire croire à un réchauffement invraisemblable, suite à l’apparition de plus en plus fréquente de phénomènes régionaux, voire très localisés, indiquant une tendance opposée. Pour faire court, si le climat se refroidit temporairement ici ou là, ça reste cohérent avec les changements climatiques à long terme et n’empêchent en rien le réchauffement global de la planète. Au contraire, ils en seraient la signature. Il faut encore ajouter, par souci d’honnêteté, que les experts du GIEC eux-mêmes sont conscients de ce que les chiffres d’un jour ne seront peut-être pas ceux du lendemain. Et ils distinguent dans les résultats de leurs projections plusieurs degrés de fiabilité. C’est tout à leur honneur et la rigueur scientifique n’en réclame pas moins.

Bref, nous ne sommes pas sortis de l’auberge et vu le montant de la facture, il va falloir consentir à faire la vaisselle, manière gentillette de dire que l’humanité est en train de se suicider. Les solutions sont complexes et simples à la fois: entre décroissance et gouvernance intelligente (mais ne rêvons pas) nous n’aurons guère d’autres choix, il nous faudra ralentir, diminuer, économiser. En attendant et pour savoir de quoi on parle, lisez ce rapport abrégé. Vous verrez, ça surprend!


1. https://www.ipcc.ch/2021/08/09/ar6-wg1-20210809-pr/
2. https://interactive-atlas.ipcc.ch/
3. https://en.wikipedia.org/wiki/Intergovernmental_Panel_on_Climate_Change
4. https://resumegiec.wordpress.com/2021/08/11/rapport-du-giec-resume-pour-les-decideurs/
5. Les citations du rapport sont en gras.

Marc Gabriel

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