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Février 2021
Bug informatique à Neuchâtel: Le bon sens fout le camp
Auteur : Henri Vuilliomenet

À l’occasion des dernières élections communales d’octobre 2020, le canton de Neuchâtel s’est une fois de plus distingué. Une panne informatique massive a entravé le dépouillement des principales agglomérations, alors que le Conseil d’État se targue d’être à la pointe de la société numérique et de tout contrôler. Le dimanche soir, aucun résultat des plus grandes communes n’a pu être publié et il a fallu reprendre le décompte des voix le lundi, alors qu’évidemment il n’y avait plus de représentants de partis dans la salle, mais uniquement l’administration.

Un citoyen chaux-de-fonnier a le premier déposé un recours. C’est le déroulement de la procédure de dépouillement, son interruption, qu’il a remis en cause. Il demande un recomptage manuel. La réponse de la Chancellerie cantonale, donc du Conseil d’État, autorité supérieure: «Aucune disposition légale ou réglementaire n’a été violée. ». Le citoyen a arrêté les frais.

Un autre recours, émanant de solidaritéS à Neuchâtel, concernait l’élection de la nouvelle commune fusionnée. À l’élection du Conseil communal (exécutif) il y a eu des différences de 4, respectivement 6 suffrages (sur plus de 2000) entre les candidat-e-s élu-e-s et non élu-e-s de deux listes. Là aussi il y a demande d’un recomptage manuel. «La démocratie et l’exercice des droits démocratiques ont besoin de transparence et de publicité dans le processus du dépouillement, et le logiciel informatique incriminé est appelé à perdurer. Nous voulons être sûrs que non seulement il ne tombe pas en panne, mais qu’il compte correctement les voix. Pour rétablir la confiance des citoyennes et citoyens dans le processus de décompte des voix, nous souhaitons un recomptage manuel. Cela permettra de comparer les résultats entre une méthode validée et utilisée depuis de nombreuses années et un nouveau programme de scannage censé simplifier les choses.»

La Chancellerie cantonale a mis trois semaines pour pondre un rapport juridique de 17 pages et rejeter le recours. On lit dans ce rapport: «En effet, ni l’article 34 Cst, ni le droit cantonal n’imposent un contrôle des opérations par des représentants du peuple». Après cela, ne vous étonnez pas que les doutes sur la démocratie représentative se multiplient! Pour le Conseil d’État, ce n’est pas les questionnements du peuple qui comptent, mais les articles de loi qui lui permettent de se protéger. La conclusion de la chancellerie/Conseil d’État n’est pas pour étonner: «Le problème informatique survenu le 25 octobre doit, quoi qu’il en soit, être considéré comme un événement exceptionnel lequel ne pouvait avoir d’autres suites que l’interruption du processus jusqu’à la résolution du problème».

Pour que les citoyennes et citoyens neuchâtelois-e-s comprennent bien, la sentence se termine par un rappel que la procédure n’est pas gratuite et qu’un émolument de 700 francs, auxquels s’ajoutent des débours à raison de 10% de ce montant, seront mis à charge des recourants. Vous avez bien compris, réfléchissez à deux fois avant de vous lancer dans un recours contre les autorités.

Il est regrettable que le Conseil d’État n’ait pas saisi l’occasion de régler de façon démocratique et transparente les doutes soulevés contre un logiciel privatisé qui reste une boîte noire aux yeux de l’immense majorité des citoyennes et des citoyens. Que solidaritéS ait choisi d’en rester là et de ne pas poursuivre la démarche juridique à un niveau supérieur est bien compréhensible. Ils ont d’autres chats à fouetter dans cette période troublée, d’autant que leur demande ne concernait nullement leurs résultats mais le déroulement des dépouillements électoraux dans le canton.

Il aurait probablement coûté beaucoup moins cher de recompter manuellement les bulletins plutôt que de plancher longuement sur des argumentations juridiques et surtout la confiance citoyenne dans le processus de vote en serait probablement sortie renforcée. Ça ne semble pas intéresser le Conseil d’État.

La procédure de dépouillement des voix devient, pour le simple citoyen et la simple citoyenne, de plus en plus obscure. Le vote électronique et le décompte informatique ne sont pas pour rassurer. Le doute est installé.

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