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Juin 2017
La fin justifie-t-elle les moyens?
Auteur : Emilie Salamin-Amar

«En toute chose, il faut considérer la fin.»
Le renard et le bouc

Comment savoir ce que pense le peuple? De quoi rêve-t-il? Quels sont ses préoccupations, ses désirs, ses goûts, ses ambitions? Autrefois, on faisait des sondages d'opinion avant de lancer un nouveau produit sur le marché afin d'être plus ou moins sûr de son succès commercial. Cette pratique s’appelait «prendre la température» de la rue. Aujourd'hui, plus besoin de sonder les gens, finis les panels représentatifs, il suffit de consulter ce que l'on appelle les réseaux sociaux, la toile, le web.

Quelle belle invention! Quelle révolution! Merci Monsieur Google, merci Monsieur Facebook, ainsi que tous les autres qui nous ouvrent leurs portes afin que nous y déposions tout ce qui nous passe par la tête, et ce, volontairement, puisque ce sont, paraît-il, des espaces de liberté.

Allez-y messieurs-dames, déposez vos photos de vacances, vos pensées les plus secrètes, vos désirs inavoués, vos fantasmes, vos recettes de cuisine, vos albums de famille, allez-y sans aucune retenue, nous vous accordons un espace illimité. Racontez-nous votre vie, vos aspirations, criez votre rage contre votre mère, déversez votre venin contre votre voisin. N'hésitez pas à salir vos proches, à dénigrer vos collègues de travail, ces sites sont en quelque sorte «thérapeutiques». Ouvrez votre cœur pour déclarer votre flamme en ligne. Rompez une union, une liaison, par simple tweet ou SMS. N'oubliez pas que vous pouvez faire l'amour à distance sur Skype. Et si vous êtes un tantinet exhibitionniste, vous pouvez également vous dénuder en direct grâce aux logiciels de visioconférence. Vous êtes libres de faire à votre guise tout ce que vous voulez sur ces fameux réseaux sociaux.

Vous avez dit sociaux? J'ai encore en mémoire l'ancienne signification de ce mot. Aujourd'hui, j'ai l'impression que cela ressemble plus à du voyeurisme, à une sorte de mise à nu de tous ceux qui les fréquentent. D'où vient ce besoin d'étaler sa vie privée? A quoi bon mettre ses photos en ligne pour que d'illustres inconnus viennent les regarder? Depuis quand fait-on une photo de son assiette juste avant d'attaquer son repas? A quoi ça rime? A quoi ça sert au juste? Le plaisir de se mettre en scène, la satisfaction de voir son image sur son écran? D’être vu par d’illustres inconnus? C'est étonnant que la plupart des gens ne se rendent pas compte du fait qu'ils sont étudiés à la loupe. Chaque clic, chaque recherche effectuée sur un moteur de recherche en dit long sur vous. Vous êtes pistés, catalogués et par conséquent traqués par la publicité. Alors, dire que les réseaux sont sociaux, il s'agit là d'une profonde confusion, ce sont en fait des réseaux commerciaux. Pendant que vous surfez, d'autres étudient, analysent tout ce que vous faites, pire... ils font de l'or avec vos données et tout ce que vous confiez ou tapez sur votre clavier en toute innocence.

Pour amasser autant d’information sur une population mondiale, il aurait fallu une véritable armée de sondeurs d'opinion pour recouper toutes les données, faire des statistiques, cela aurait pu prendre des années, si ce n’est pas des siècles. Mission impossible! Mais, grâce à l’insolente fée informatique, tout un chacun se livre chaque jour un peu plus pour le plus grand bonheur des «pilleurs» du web. De nos jours, on sait tout sur tout. C’est bien simple: on vous décortique, on vous analyse à distance. Puisque l’on ne cache rien sur rien. On sait qui est en contact avec qui. Qui sont vos «amis» virtuels. Les sites que vous fréquentez. Ce que vous aimez, ou pas. Ce que vous achetez, ce que vous regardez, ce que vous écoutez… Au secours!

© Emilie Salamin-Amar
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