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Avril 2017
L’espoir, malgré tout
Auteur : Yasmine Motarjemi

L’auteur a écrit ce texte sur la base de son expérience de vie et d’évènements qui lui ont ouvert les yeux sur certaines réalités de notre monde, dont elle nous brosse le tableau.

C’est un truisme que notre monde contemporain est marqué par différents maux: des guerres, la pollution, la corruption, la décadence du monde politique, les inégalités sociales et la détérioration des conditions humaines.

Cependant, il faudrait différencier entre la perception et la réalité.
La réalité est que, sous différentes formes, ces problèmes ont existé depuis la nuit des temps, que néanmoins l’homme a accompli des avancées technologiques et sociales considérables, et que celles-ci ont révolutionné différents aspects de notre société: la médecine, la télécommunication, le transport, l’alimentation, la santé publique, l’éducation, l’art, la culture et la musique… Elles ont apporté du confort et une amélioration incontournable de la qualité de la vie pour une grande part de la population du monde.

Heureux celui qui croit sans avoir vu.
– Jésus-Christ, dans l’évangile
selon Saint-Jean

Ce qui s’est écroulé est notre rêve d’une société plus juste et plus humaine. Il n’y a pas longtemps, après la Deuxième Guerre mondiale, nous avons dit «never again» (plus jamais cela). Nous avons établi les Nations Unis et ses différentes agences pour assurer la paix et le développement dans le monde entier. Nous avons promulgué la Déclaration des Droits humains, suivie d’un grand nombre d’autres déclarations pour définir des règles sociales équitables. Nous avons promu le concept de développement durable pour intégrer les notions de la protection de l’environnement et de l’humain dans un développement économique responsable. Nous avons minutieusement documenté l’histoire à travers des musées, des livres, des films et nous avons commémoré nos victoires et nos défaites pour ne pas oublier le passé car «ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter» dit George Santayana (1863-1952). Nous avons conçu des systèmes sociaux pour prévenir la pauvreté et la précarité. Rappelons-nous que nous avons construit l’Europe pour unifier les peuples dans leurs forces et leurs faiblesses.

Mais, c’est illusoire de penser que l’homme peut échapper à ses vices. Les sept péchés capitaux (reformulés ici aux fins de cet article) restent aussi actuels qu’à l’Antiquité: l’égoïsme (l’orgueil), la cupidité (l’avarice), l’envie, la violence (la colère), la luxure, la paresse et la gourmandise. Ce sont ces faiblesses de caractère de l’humain qui affaiblissent sa détermination dans la poursuite de ses idéaux et la mise en œuvre des systèmes et concepts mentionnés ci-dessus.

Le monde est dangereux à vivre, non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.
– Albert Einstein (1879-1955)

Ce qui se passe ce n’est pas le suicide de la société, comme l’a écrit Michel Rocard, mais plutôt le réveil de la société dans un monde qui ne correspond pas à ses valeurs. La société prend conscience que les maux du passé sont toujours actuels; que l’espoir d’un monde de paix et juste au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale n’était qu’un rêve; qu’une grande partie de la population du monde se bat toujours pour sa survie et que les inégalités se creusent à nouveau; que la démocratie à laquelle le peuple aspire est une déception; qu’une minorité puissante de la planète a pris le pouvoir; que l’esclavage persiste sous une autre forme; que face aux grandes entreprises un employé ou un consommateur lésé est aussi impuissant que Jane dans le poing de King Kong; que la liberté d’expression n’est pas si libre quand cela déplait au pouvoir; que les médias sont sous emprise; que la corruption prévaut autant que jadis; que la justice est une utopie; que c’est un crime de dénoncer et crier au crime; que les vies n’ont pas toutes la même valeur; que nous avons perdu le contrôle de notre vie au bénéfice des intérêts économiques; que nous exploitons et polluons notre planète sans aucune mesure par notre avidité et paresse; que nous maltraitons et torturons les animaux pour notre plaisir et gourmandise; que la population augmente à une allure débridée; que nous sommes déchirés entre notre humanité et notre peur; que le mythe de la caverne du Platon se réalise: nous ne sommes que des prisonniers éblouis par le spectacle, envoûtés par la fausse représentation du bonheur et du succès, et dans l’illusion que nos systèmes fonctionnent et que les pouvoirs publics nous protègent.

Hier, j'étais intelligent et je voulais changer le monde. Aujourd'hui, je suis sage et je me change moi-même.
– Rumi, poète persan (1207-1273)

Qui dit réveil dit espoir. L’espoir qu’un jour la société puisse réaliser:

Compte tenu de l’étendue des problèmes, on serait tenté de proposer un nouvel ordre mondial, une nouvelle gouvernance. Mais, ne serait-ce pas répéter les erreurs du passé que d’avancer une telle solution grandiose? Indiscutablement, le monde doit changer et évoluer pour faire place à une société plus équitable. Mais les solutions doivent êtres simples, concrètes, faisables et à la portée de tous.

Personnellement, je crois au besoin d’analyser et tirer les leçons du passé, puis de corriger ce qui ne fonctionne pas. Je crois au paradigme «pensée mondiale – action locale». Je pense que le changement doit commencer avec nous-même et la volonté de tout un chacun d’agir et de réagir devant l’injuste: les petits ruisseaux font les grandes rivières. Pour ce qui est de l’ordre mondial je crois en la redevabilité (anglais: accountability) et la responsabilisation des dirigeants. Pour cela il faut que chacun de nous l’exige avec force et détermination.

Yasmine Motarjemi

Je remercie Lynn Mackenzie pour ses remarques
critiques et ses précieuses suggestions.

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