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Juin 2016
Trouillard, moi?
Auteur : Canisius Oberson
Les démocraties meurent moins des chocs extérieurs que de la démagogie qui les désagrège de l’intérieur. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse

Quand je jette un regard rétrospectif sur ma vie, je remarque la place de mes peurs. C’est comme une pièce que je voudrais voir verrouillée à double tour. Parce qu’elle me gêne. Un trouillard, moi? Vous n’y pensez pas! Et pourtant, aussi loin que je cherche dans ma vie, pour être honnête, je dois bien constater qu’il m’arrive d’avoir peur. C’étaient les peurs de l’enfant: celle de la foudre tombant en pleine nuit d’été sur une ferme toute de bois et relativement isolée, dans le noir quand l’électricité venait à manquer. Et puis il y eut les peurs des examens, qui me donnaient chaque fois l’impression d’un scanner de mes tréfonds autant que de mes connaissances.

Formé dès 13 ans, dans des écoles religieuses dont je n’ai jamais regretté la disparition, j’ai acquis de bonnes connaissances culturelles et humanistes, mais aussi une certaine crainte de l’autorité dans les années où je commençai mon ministère de prêtre en paroisse. Heureusement la vie, et peut-être mes origines terriennes, m’ont permis une maturation bienvenue et une prise de distance qui m’ont ouvert à une existence selon l’horizon large qu’ouvre l’évangile.

N’ayez pas peur! De quoi faut-il ne pas avoir peur? Avant tout de faire la vérité sur nous-mêmes. Jean-Paul II

Maintenant à l’âge où mes camarades d’antan prennent leur retraite, mes peurs diminuent considérablement. Elles se dirigent plutôt vers les générations plus jeunes à qui l’on tient, me semble-t-il, une langue de bois (dur!), qui cache mal la volonté d’en finir avec les solidarités humaines et sociales. Ma peur, c’est que la réaction nécessaire à la novlangue intervienne un peu tard, quand les esprits auront été manipulés, voire déformés. Un exemple de cette distorsion du langage? Je le vois dans la manière dont le président du Conseil d’administration de Zurich (Assurances) annonça la suppression de milliers de postes dans l’entreprise: «Nous ne parlons pas de 8000 emplois perdus, mais de collaborateurs affectés par le programme d’efficience» (L’Express du 12 février 2016). Ajoutez à ce genre d’événement une couche de Panama papers et d’austérité incontournable, et nous pouvons craindre un avenir difficile pour les jeunes de notre temps.

Ma crainte se trouve, en résumé, dans la violence de ce 1% de la population qui souffre d’infantilisme avancé en se croyant investi de la mission d’amasser la fortune entière de l’humanité. Nous devons résister à cette folie… sans peur!

Canisius Oberson, prêtre, Saint-Aubin

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