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Avril 2011 °
La vieillesse, une étape de la vie
Auteur : Pierre Lehmann

être âgé aujourd'hui est associé à la notion de retraite. A partir d'un certain âge fixé par une décision politique, le citoyen est supposé arrêter de travailler et toucher une pension pour laquelle il a cotisé ou mis de côté pendant sa vie dite active. Il n'en a pas toujours été ainsi. Dans les campagnes, on pouvait trouver près d'une ferme une autre maison plus petite – le Stöckli en suisse-allemand – où habitaient les grands-parents. Leur fonction était de s'occuper des enfants tout en exécutant divers travaux pas trop pénibles pendant que les parents faisaient tourner l'entreprise agricole. Je présume que l'on mourait aussi dans le Stöckli. La distribution des rôles dans la famille était claire et perçue dès le plus jeune âge. Elle reflétait en quelque sorte le cycle de la vie: naître, grandir, arriver à maturité, vieillir, mourir. Et chacune de ces étapes était présentes dans la manière de gérer l'entreprise familiale. La famille était considérée comme un tout et les vieux y restaient intégrés jusqu'à leur décès en ayant un rôle à jouer. Dans cette conception de la famille, un EMS est inconcevable et la mort est acceptée comme un aboutissement naturel, comme une dernière étape de la croissance pour reprendre l'expression d'Elisabeth Kûbler-Ross (Death, the final stage of growth, Prentice-Hall 1975).

L'âge en lui-même n'est pas un critère déterminant de bien-être ou de difficultés, ni de la capacité à travailler ou simplement être utile à la famille et à la société. Tout dépend de l'état de santé physique et psychique. Certains se portent très bien à des âges très avancés et d'autre périclitent encore relativement jeunes. De fixer un âge à partir duquel on se retire de la vie active et «touche sa retraite» est donc pour le moins discutable. C'est une conséquence de l'organisation sociale et de l'individualisme exacerbé caractéristique du monde occidental actuel. Le résultat en est une prolifération d'EMS qui s'occupent des vieux que leur famille ne peut ou ne veut plus prendre en charge. Même si les conditions d'existence dans ces EMS sont sûrement aussi bonnes que possible – il y a eu toutefois des cas de maltraitance – ces maisons de retraite regroupent des personnes qui n'ont pas, a priori, de relations affectives et qui sont dans des états physiques et psychiques qui peuvent être très différents, les vieux encore bien dans leur tête côtoyant des personnes plus ou moins séniles. Cela peut être déprimant. Je me souviens d'un vieil oncle placé dans un EMS qui n'aspirait plus qu'à mourir. Et l'EMS, comme les hôpitaux sont aujourd'hui soumis à des impératifs financiers qui ne vont pas dans le sens de la convivialité. On développe même aujourd'hui des robots pour la toilette des pensionnaires (TA-swiss. Newsletter 1/2011).

La famille est, ou devrait être, la cellule de base de la société. Puis vient le voisinage, le quartier ou le village et finalement la nation. Le principe de subsidiarité voudrait que les entités les plus petites soient le plus autonomes possible. Mais cela devient difficile. La tendance est à des entités politiques toujours plus grandes et des pouvoirs politiques toujours plus éloignés des citoyens. Il en résulte une prolifération de lois et règlements qui affectent la vie des citoyens et en particulier celle des personnes âgées qui ont de plus en plus de peine à s'y retrouver. Pour le pouvoir, les personnes âgées représentent surtout un coût. Pourtant leur expérience – voire leur sagesse – devrait être valorisée dans la société. Et les vieux peuvent aussi s'entraider en organisant des réseaux pour se rendre mutuellement service, le but étant de faire à titre convivial ce qui autrement se ferait moyennant payement. Selon le journal Zeitpunkt, ce genre de démarche peut transformer des cités-dortoir en véritables voisinages où les gens se connaissent et collaborent (Voir Zeitpunkt N° 113, à paraître).

Dans un monde dominé par l'économie et la finance, la convivialité n'est pas valorisée. Tout est déterminé par l'obligation d'avoir une activité lucrative. L'entraide gratuite ne fait pas augmenter le PNB et c'est une de ses principales qualités puisqu'il est devenu urgent d'arrêter la croissance économique si on veut que la planète reste habitable pour les générations futures.

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